CES 2020 | Stratégie d’entreprise et innovation : un cycle qui se finit, à nous de jouer !

13 février 2020

La grand-messe de l’innovation des grands fournisseurs de l’industrie de l’électronique s’est déroulée cette année du 7 au 10 janvier. Le ban et l’arrière-ban des fournisseurs de technologie électronique présentaient leurs offres présentes et à venir. Cette année au CES, un sentiment de fin de cycle parcourait les travées, avec pour conséquence pour les grandes entreprises de l’industrie d’ajuster leurs stratégies d’innovation.

L’ESSOUFFLEMENT DE LA START-UP NATION OU LA REVANCHE DES OEMS

La première grande tendance à noter est l’essoufflement global de l’offre d’innovation issu des entreprises classifiées comme des start-up. Le traditionnel bain de foule du salon, Eureka Park, s’est tari. Les offreurs présents, représentés par pays montraient tous un plateau dans les axes d’innovation. Aucune innovation de rupture n’était présente dans ce temple usuel de la créativité. Notre analyse s’est penchée sur trois critères :

  • Le dépôt de brevet ;
  • Un ticket d’entrée supérieur à 100k€ de R&D ;
  • Un modèle de ROI éprouvé au moins une fois sur un déploiement global.

Sur les 150 start-up interviewées, aucune ne satisfait à ces trois critères.

Le critère numéro 2 sur le ticket à l’entrée est particulièrement intéressant à mesurer. En effet, ce salon sonnait la revanche des OEMs. La plupart des start-up interviewées ne sont désormais plus que des intégrateurs de solutions OEM éprouvées. Que cela soit sur la partie hardware (où les plateformes microcontrôleur intègrent de plus en plus de fonctions standards), sur la partie logicielle embarquées (où les surcouches à l’Operating system intègrent une masse de librairies colossale), aux intégrateurs d’opérateurs télécoms qui sont tous sur des propositions de valeurs où on utilise des réseaux de réseau pour garantir robustesse et bande passante, jusqu’aux architectures cloud et middleware de gestion de la donnée ; tout cela peut s’acheter et s’intégrer rapidement. Les start-up désormais en sont réduites à assembler des briques OEM pour traiter une problématique métier et la transformer en un service scalable. La baisse sensible des innovations brevetables témoigne de la perte de focus technologique pour se recentrer sur du processus. La baisse du ticket technologique à l’entrée recentre les savoir-faire sur le commerce, la connaissance métier et le marketing. Désormais, Eureka Park ressemble à un salon de l’intégration des grands noms de l’électronique et du logiciel.

LE DÉGONFLEMENT DE LA BULLE DU DIGITAL

Ce qui est vrai pour les start-up l’est aussi pour les grands noms de l’électronique, qui présentaient cette année peu ou pas d’innovation, essayant plutôt de consolider les éléments de technologie présentés les années passées. Ainsi, fort peu de valeur présentée sur les segments d’intelligence artificielle, de sujets liés à la 5G ou à l’internet des objets. Les drones, la réalité mixte et augmentée ou les robots montrent un palier dans la R&D, avec une orientation de la R&D de ces secteurs vers l’amélioration continue plutôt que sur le développement de vraies nouvelles solutions.

La vision des fournisseurs présents sur le salon était d’orienter leur démarche commerciale, non pas sur l’adoption de nouvelles technologies, mais sur la consolidation de celles qui avaient été annoncées par le passé. Que cela soit Samsung ou Bosch, le discours est le même : les offres digitales de rupture sont matures côté offres, mais ne sont que peu ou pas adoptées par les clients. Ainsi, les budgets innovation des grands fournisseurs ont fondu face aux chiffres décevant des ventes sur les deux dernières années. Globalement, le secteur de la haute technologie électronique souffre de deux problèmes :

  • Des ventes faibles car les grands industriels et le grand public ne se sont pas appropriés les innovations de ruptures de la robotique, eg IA ou 5G ;
  • Des marges faibles car les marges de la plupart des produits, pour des raisons de go-to-market rapides, sont amputés par les marges importantes des OEMs ultra présents à tous les étages de la chaine de valeur. Là où la R&D de grands groupes permettait de posséder l’essentiel des IP sur les produits, la tendance est à la diminution des IP propres et à l’inflation des IP de tierces parties, qui se rémunèrent elles aussi sur le pourcentage des ventes.

AMIS INDUSTRIELS, DEUX GRANDES OPTIONS POUR VOS INNOVATIONS

De ce constat, un double chemin semble se dresser pour les industriels concernant les innovations du digital :

  • La verticalisation : avec la multitude d’offre OEM, il devient plus simple de développer rapidement des solutions pointues à l’adresse d’un cas d’usage précis, répondant à une problématique circonscrite et définie. Avec les bons partenaires du hardware aux applications, en intégrant les solutions existantes, les temps de développement sont faibles et le plus important devient la connaissance du processus et les impacts que nous cherchons à avoir sur celui-ci. Cette stratégie favorise le ROI rapide, mais ne permet pas de faire converger des modèles globaux de données ou de former de vraies plateformes. Il semble que beaucoup d’industriels peinent à exploiter des viviers trop larges de données via l’IA ou l’analyse statistique, mais excellent à réinventer un processus formalisé avec ces outils.
  • L’horizontalisation : afin de générer un maximum de valeur entre les processus, afin de répondre à des besoins d’amélioration de fonctionnement de bout en bout ou de réduction des coûts de production ou de fourniture de services, une stratégie d’agrégation de donnée est nécessaire. L’allocation des ressources globales vers toutes les entités de l’entreprise, dans le cadre de la gestion agile de l’outil industriel, est un des facteurs clés de l’industrie 4.0. Dans cette horizontalisation, la capacité à recueillir et agréger la donnée sur de multiples processus permet d’obtenir une vision claire des opérations et de piloter en conscience.

Ces deux axes sont les composants essentiels d’une digitalisation réussie et répondent à des enjeux distincts, avec des échelles de temps et de complexité très différents. Seule une analyse par la valeur de la stratégie pour l’entreprise permet de déterminer s’il vaut mieux suivre l’une des deux stratégies voire opter pour un choix hybride dans le cadre d’une roadmap plus long terme.

En conclusion, ce CES 2020, riche en consolidation et en amélioration de la vision de disruption, aura permis de trouver les grands gagnants du vent surréaliste d’innovation de ces dernières années : les gagnants sont à trouver parmi ceux qui ont développé des outils et des solutions spécifiques, qui permettront à d’autres d’inventer les solutions innovantes de demain. Ceux qui ont tout investi dans une technologie sont aujourd’hui en réinvention de leur modèle afin de retrouver des marges de manœuvre financières et leur permettre de relancer un cycle d’innovation.

Samir DJENBOUDI
SAMIR DJENBOUDI
DIRECTEUR

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