De la « vente en face à face » à la « vente en côte à côte » : vers de nouveaux rituels de vente ?

06 février 2020

ET SI LA VENTE EN « FACE A FACE » ETAIT DESUETE …

La rencontre entre le client et un représentant de l’entreprise est un moment essentiel dans le parcours du client. Qu’il soit vendeur, conseiller de vente, relationneur ou Business Developer, sa mission est fondamentale : nouer une relation de confiance avec son client et créer une relation pérenne. La rencontre constitue un moment singulier entre le client et son conseiller. A l’instar de toute relation humaine, l’échange n’est ni « formatable », ni industrialisable, car il s’agit d’une co-construction. Cet échange repose sur un subtil mélange de relationnel et de techniques et il constitue une occasion unique de laisser une empreinte forte et positive dans l’esprit du client.

Pratiquée depuis des lustres, la rencontre entre vendeurs et clients s’effectue en face à face, posture physique qui influence indéniablement la nature de leurs interactions : l’un en face de l’autre, client et vendeur se regardent, se décryptent, s’évaluent, se jaugent, s’apprécient, se congratulent, se félicitent, font affaire, entretiennent des relations cordiales… Ce face à face, durant lequel le vendeur conseille guide et vend,  peut d’ailleurs s’opérer de part et d’autre d’un bureau ou d’un comptoir, l’élément matériel délimitant le territoire d’action de chacun et suggérant ainsi une limite à ne pas franchir.

ET SI, LE CLIENT PASSAIT DE L’AUTRE COTE ?

Et si, ce rituel millénaire devait être réinventé sous l’impulsion du digital ?

Et si, après plus de 20 ans de digitalisation, le client passait de l’autre côté de la ligne ?

La ligne est-elle franchie ?

Les situations commerciales durant lesquelles vendeurs et clients se mettent l’un « à côté de l’autre » sont en effet de plus en plus fréquentes. La multiplication des écrans et autres devices dans les points de vente, agences, bureaux et espaces commerciaux explique, bien sûr, ces évolutions. Mais si initialement les vendeurs conservaient leur écran pour leur propre usage, force est de constater qu’ils sont de plus en plus nombreux à « partager l’écran » avec leurs clients. Certains conseillers n’hésitent désormais plus à tourner leur écran vers leur client ou à leur proposer de se mettre à leur côté voire même à s’asseoir à côté d’eux, à moins que ce ne soit le client qui ne leur impose …

Ce nouveau rituel de vente « en côte à côte » engendre de profondes transformations entre les interlocuteurs :

  • Un changement de posture physique : le « côte à côte » implique un rapprochement physique entre les interlocuteurs. Un tel « côte à côte », en fonction de la taille de l’écran, peut imposer de rentrer dans « l’espace d’intimité de la personne ». Ce qui peut, dans certains cas, générer une impression de malaise, à l’instar du sentiment désagréable que l’on vit dans les ascenseurs lorsqu’un inconnu s’immisce dans cet espace non autorisé. Les synonymes donnés par le dictionnaire au « côte à côte » sont d’ailleurs éloquents : « se frôler », « se côtoyer », « se coudoyer », révélant ainsi la forte proximité physique entre les protagonistes.
  • Un changement de posture psychologique : lorsque le conseiller partage son écran avec son client, il accepte de partager ses informations et sa connaissance. Il semble aussi, à priori, accepter de ne plus être l’unique détenteur de la connaissance et peut être aussi de renoncer à une partie de son pouvoir …

QU’EST- CE QUE CELA CHANGE ?

Lorsque l’on évoque ce nouveau rituel de vente qu’est « le côte à côte » auprès des millennials, les termes qui leur viennent à l’esprit sont « transparence » « partenaire », « être à l’égal » « collaboration », « cocréation », « relacher la pression », « permet de se projeter ».

A l’inverse que se passe-t-il si un conseiller est derrière son écran … sans au moins le tourner ou l’orienter vers son client ? Et bien, si une telle pratique était acceptée il y a quelques années, elle semble être de plus en plus mal interprétée, générant une perte de confiance chez un client qui pense qu’on lui cache des choses, qu’on ne lui dit pas tout, voir qu’on lui ment comme le relate cette cliente, « elle était derrière son écran, elle me mentait ».

Le terme « relationneur » est un terme utilisé et déposé par Leroy Merlin.

QUE DISENT LES VENDEURS DE CET ECHANGE EN COTE A COTE ?

Les conseilleurs évoquent des expériences différentes lorsqu’ils tournent leur écran vers leurs clients ou leur proposent de s’asseoir à côté d’eux.  Certains disent que « Le client a l’impression que quelqu’un s’occupe de lui ». Ce qui transforme indéniablement l’expérience que vit le client à l’ère où « le prendre soin » devient un élément fondamental de la relation avec le client. Le côte à côte donne également naissance à de nouvelles formes de complicité, client et conseillers ayant l’impression d’être sur la même longueur d’onde (« Il y a plus de complicité. Un client qui va aussi sur Internet – il a la même mentalité que moi »). Mais surtout le côte à côte engendrerait, selon certains conseillers, une véritable confiance (« si le client voit que c’est écrit c’est que c’est vrai. Ça renforce la crédibilité du vendeur…  et les clients, quand ils se sentent en confiance, ils pensent à l’achat »).

Enfin, en allant ensemble sur l’écran, on crée de nouvelles « formes d’expérience partagées », les termes « expérience » et « partage » étant clés à l’ère d’une digitalisation à outrance qui renforce ce besoin « de faire ensemble ». Les expériences de navigation partagée seraient d’ailleurs, selon certains vendeurs, particulièrement appréciées par les clients (« Le client découvre avec nous … C’est vraiment un échange qui est très bon, et ça le client l’apprécie énormément »).

Mais que « faire ensemble » en côte à côte ? Les possibilités sont infinies… de la configuration de sa fenêtre ou de sa voiture aidée par quelqu’un qui prend soin de nous au visionnage de vidéo YouTube, en passant par une navigation commune sur les réseaux sociaux, sur Internet ou sur le site de l’entreprise… Et d’autres technologies offrent de nouvelles opportunités en matière de « côte à côte », à l’instar du vendeur Décathlon qui utilise la réalité virtuelle et accompagne son client pour visiter virtuellement des tentes que l’on ne peut pas exposer en magasin, par manque de place.

Le côte à côte, toujours et en tout lieu ? Non, bien sûr… On ne navigue pas à n’importe quel moment et avec n’importe qui… Un nouveau rituel à inventer donc, et nous y travaillons…

régine vanheems
RÉGINE VANHEEMS
AUTEURE

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