Etats-Unis : l’avenir de la grande vitesse pour la Californie

09 janvier 2020

La Californie a entamé, il y a quelques années, un vaste projet de création de lignes à grande vitesse. La ligne principale du projet devrait parcourir l’Etat du Nord au Sud, pour relier ses deux grandes villes : San Francisco et Los Angeles. Elle pourra ainsi permettre de diversifier l’offre de transports de la région, très majoritairement dominée par l’avion et l’automobile bien plus polluant et arrivant à saturation.

LE PROJET INITIAL

Les Etats-Unis possèdent le plus grand parc ferroviaire du monde avec un peu plus de 220 000 km de lignes ferroviaire. Les études de construction d’une ligne moderne en Californie ont débuté dès les années 1990, mais c’est uniquement depuis 2012 que la Californie a décidé de se lancer dans ce projet de création de lignes grande vitesse pour compléter son parc ferroviaire avec 1100 km de lignes de plus. C’est l’ancien gouverneur démocrate de la Californie, Jerry Brown, qui donna son accord pour le lancement de ce projet d’une envergure colossale (coût total initial : environ 56 milliards de dollars, avec un potentiel de 90 à 100 millions de passagers par an sur la ligne). La liaison entre San Francisco et Los Angeles est attendue pour l’année 2029. C’est la société WSP qui est en charge du projet, chapotée par la California High-Speed Rail Authority (CHSRA).

La construction a commencé en 2015 après une cérémonie d’inauguration à Fresno. Quatre ans plus tard, le projet avance mais suscite encore de vives réactions, particulièrement dans les villes à proximité ne bénéficiant pas d’arrêts pour le futur TGV.  Plusieurs dépôts de plaintes ont également été déposés à l’encontre du projet par des communautés telles que des associations d’agriculteurs ou de riverains.

LA SITUATION ACTUELLE

Malgré les quelques incidents survenus, il n’était pas question d’abandonner ce projet. Néanmoins, après une nouvelle étude, le coût total devrait augmenter de 20% et passer à 77,3 milliards de dollars. À la suite de cette étude, le nouveau gouverneur Gavin Newsom annonce le 12 février 2019, une révision à la baisse du projet. L’idée est de finaliser le segment de la vallée centrale allant de Bakersfield à Merced (110 miles à 180 km environ) d’ici décembre 2022, mais de ne pas entreprendre la construction des tronçons aux extrémités Nord et Sud de la ligne. Ces parties de la ligne initialement prévues dans le projet seraient reportées à une date inconnue en raison des dépassements de coûts et des retards. Malgré la suppression de ces tronçons, la note reste salée car le coût du segment Bakersfield à Merced est estimé à lui seul à 10,6 milliards de dollars. C’est ainsi que ce projet continue de faire couler de l’encre, ou plutôt à faire parler de lui sur les réseaux sociaux. En effet, D. Trump lui-même s’est chargé de critiquer le projet au travers d’un Tweet daté du 20 février (traduit) :

« La Californie veut maintenant revoir à la baisse son projet déjà raté de « train rapide » en réduisant substantiellement la distance de sorte qu’il ne va plus de LA à San Francisco. Un marché différent et des dépassements de coûts records. Renvoyez au gouvernement fédéral les milliards de dollars GASPILLÉS ! »

Ce message a été envoyé huit jours après l’annonce de la modification du projet initial par Gavin Newsom, le gouverneur démocrate de l’État.  Pour ce dernier, cette réduction ne signifie ni l’abandon total du projet, ni la mise en service d’un « train pour nulle part », retournant le slogan, que le gouverneur juge « faux et blessant », de ses opposants. La réponse présidentielle ne s’est pas faite attendre et le président cherche déjà à annuler le versement de 929 millions de dollars au projet californien et envisage de récupérer les quelque deux milliards et demi de dollars déjà « gaspillés ».

Tous ces rebondissements illustrent bien la mentalité américaine vis-à-vis du transport de passagers par voie ferroviaire, secteur complétement délaissé aux Etats-Unis. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis 1956, 1300 milliards de dollars ont été investis dans la route, 473 milliards de dollars dans l’aérien et… 37 milliards dans le ferroviaire. Pour une partie des Américains, les projets ferroviaires sont présentés comme des gouffres financiers et comme une saignée des contribuables. Le train fait partie de l’histoire des Etats-Unis, et les Américains se représentent le train comme un symbole du passé, un moyen de transport dépassé par l’avènement de l’automobile et du transport aérien.

Face à tous ces freins, la suite du projet de LGV en Californie est donc promise à de nombreux autres rebondissements, et l’entrée en gare du premier TGV californien risque fort d’être, une fois encore, retardée, voir dans le pire des cas, complètement abandonné.

Johann Vadelorge
JOHANN VADELORGE
SENIOR CONSULTANT
Guillaume Weller
GUILLAUME WELLER
CONSULTANT

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