Interview // Cyril Roux, Directeur financier groupe, Groupama Assurances Mutuelles

19 mars 2020

QUEL BILAN FAITES-VOUS DE LA REGLEMENTATION DANS LE SECTEUR DE L’ASSURANCE ?

Trois sujets font l’actualité de la réglementation de l’assurance.

En premier lieu, la norme internationale IFRS 17 apporte des changements importants dans la comptabilité du secteur de l’assurance alors même que le secteur n’a pas complètement mis en oeuvre IFRS9.

En deuxième lieu, la directive européenne Solvabilité II qui est entrée en vigueur en 2016 va prochainement faire l’objet d’une révision. L’EIOPA doit soumettre ses propositions au printemps 2020.

Enfin, un troisième sujet, tout aussi délicat mais plus hexagonal, concerne l’investissement en actions des entreprises d’assurance. L’objectif des pouvoirs publics est de réorienter les placements des assureurs français, concentrés sur des titres de taux, vers le financement en fonds propres des entreprises françaises.

Ce constat préalable soulève trois questions importantes :

  • Quel est l’enjeu de la réforme comptable de l’assurance ?
  • Quel est l’enjeu de la révision de la norme Solvabilité II ?
  • Quel est le rôle de la réglementation et des pouvoirs publics dans l’investissement des assureurs ?
  • Quel est l’enjeu de la réforme comptable de l’assurance ?

 

La norme comptable IFRS 17 soulève des enjeux opérationnels, conceptuels et de relation avec les investisseurs. Il s’agit d’un schéma dans lequel la notion de résultat traduit non seulement l’action de l’entreprise mais aussi l’évolution des marchés financiers.

Avec IFRS17, le résultat des assureurs devient un solde de bilan et pose le problème de la mesure de la performance économique.

Compte tenu des changements de l’environnement financier, le solde des bilans va fluctuer au gré des conditions financières. C’est un enjeu majeur dans la manière de mesurer la performance économique.

Il y a donc une phase d’apprentissage pour les marchés, pour la direction de l’entreprise et pour le conseil d’administration.

IFRS 17 conduit à mettre dans la comptabilité générale ce qui était auparavant réservé à la comptabilité technique et à suivre dans les comptes eux-mêmes la rentabilité des contrats, qui était antérieurement du ressort de la comptabilité analytique.

À titre d’exemple, les assureurs suivent bien leurs contrats d’assurance non-vie par cohorte annuelle, mais au sein de leurs directions techniques et actuarielles. Au travers de l’intégration de ces notions de cohorte annuelle dans la comptabilité, l’IAS Board pousse les assureurs à utiliser l’actuariat dans la comptabilité. De ce point de vue la transformation de la technique actuarielle en comptabilité et de la comptabilité en outil de communication financière la complexifie considérablement sans la rendre plus juste (la subdivision par cohorte annuelle est erronée pour l’épargne).

Enfin on peut se demander l’intérêt d’une telle réforme des normes internationales si en fin de compte les américains n’appliquent que les USGAAP. L’abandon de toute souveraineté européenne en matière de normalisation comptable est particulièrement préjudiciable.

L’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) est une association internationale qui a été créée en 2001 avec les encouragements de la Commission Européenne afin de servir l’intérêt général. L’EFRAG – Groupe consultatif européen sur l’information financière –devrait être le normalisateur comptable européen.

 

QUEL EST L’ENJEU DE LA REVISION DE LA DIRECTIVE SOLVABILITE II ?

Dans la perspective de la révision de Solvabilité II, il serait utile d’attirer l’attention du Ministre sur les vrais enjeux. Le Ministre se bat pour protéger l’investissement en actions, ce qui est louable mais il faut explorer tous les chemins pour atteindre cet objectif.

La réduction du « choc actions » doit éviter de désavantager les actions par rapport aux autres classes d’actifs, certes mais cet effet « paramétrique » restera marginal dans ses effets (quelques milliards d’euros) alors que la révision à la hausse du « choc de taux » sera d’une bien plus grande ampleur.

L’objectif devrait être de libérer du capital en touchant à son coût qui est trop élevé afin de pouvoir acheter des actions. Il est possible de libérer une partie des 180 milliards d’euros (calculé sur un coût du capital à 6 %) inscrits au titre du« risk margin ».

Il est possible de se retrouver dans des circonstances où le management a agi efficacement pour accroître la résilience de l’entreprise et de constater malgré tout un ratio de solvabilité qui baisse en raison des fluctuations de marché. Lorsque le marché évolue, le ratio de solvabilité évolue dans des proportions qui dépassent l’action du management sur la période.

QUEL EST LE ROLE DE LA REGLEMENTATION ET DES POUVOIRS PUBLICS DANS L’INVESTISSEMENT DES ASSUREURS ?

La diminution de l’emprise des fonds euros sur l’Épargne française et leur substitution partielle par des unités de compte (UC) entrainera une réduction des actifs généraux des bilans des compagnies d’assurance.

Pour l’instant il existe une très grande inertie des masses épargnées. Contrairement aux précédentes réformes sur l’épargne, il est possible que la loi PACTE affiche des effets positifs sur les flux et sur les stocks. Le préalable est la disponibilité des sommes épargnées et l’avantage fiscal à l’entrée.

Les pouvoirs publics se donnent les moyens d’avoir un produit qui peut jouer un rôle dans l’épargne des Français. Le régime PREFON pour les fonctionnaires marche bien. La loi MADELIN pour les indépendants fonctionne bien. La loi PACTE pour la retraite des salariés peut avoir le même impact positif.

L’INTERVIEWÉ

CYRIL ROUX
DIRECTEUR FINANCIER GROUPE, GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES

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