MFID 2 : Quel avenir pour le conseil action ?

20 juin 2016

La décision du régulateur de décaler l’application de la Directive MiFID2 au 1er janvier 2018 démontre la difficulté de mise en œuvre de ce texte par les institutions financières, mais aussi par le régulateur lui-même.

« La nouvelle MiFID » à laquelle devront se conformer banques, courtiers ou encore sociétés de gestion vise à combler les limites du texte de 2006. Mais, au-delà des investissements (IT, opérationnels) nécessaires pour répondre aux exigences telles que la « protection des investisseurs », MiFID 2 devrait aussi impacter les revenus des établissements financiers en s’attaquant à la transparence de leurs revenus.

UN CONSEIL À ASSUMER, UN CLIENT À ÉDUQUER

Dans un environnement où les coûts de mise en œuvre sont importants et où la commercialisation du conseil peut s’avérer compliquée, le conseil actions a-t-il un avenir ?

L’ADÉQUATION DU PROFIL CLIENT AU RISQUE ENCOURU

Le conseil doit tenir compte, au-delà de la recommandation d’investissement même à posteriori positive, du profil de risque du client. L’exercice d’adéquation est toutefois difficile à appréhender pour les actions en raison de la nature volatile de ce produit financier. Ainsi, le conseiller devra justifier du niveau de risque encouru pour chaque titre faisant l’objet d’un conseil obligeant les établissements financiers à fournir davantage de pédagogie pour que le client appréhende les risques et les types d’investissements qu’il souhaite réaliser. Une solution alternative s’offre aux établissements financiers : ne proposer les produits actions qu’aux clients ayant de l’appétence au risque ou aux clients professionnels sous réserve de remplir les conditions requises (taille du portefeuille d’instruments financiers détenu, nombre de transactions réalisées par trimestre).

LE CONSEIL PERSONNALISÉ VERSUS L’INFORMATION GÉNÉRALE

Au sens de MiFID, il n’existe pas de distinction entre le conseil personnalisé d’achat / vente et une recommandation portant uniquement sur une des modalités de la transaction relatives au prix ou à la quantité.

Dans les deux cas, le régulateur estime qu’il s’agit d’un conseil. En revanche, une information d’ordre générale fournie à un client, de type « notre société est acheteuse sur les obligations européennes », n’est pas assimilée à du conseil au sens de MiFID puisqu’elle ne s’adresse pas à un client spécifiquement.

DES COÛTS DE CONSEIL À COMMUNIQUER ET À JUSTIFIER

Le régulateur impose désormais d’être transparent dans les frais imputés au client. Le coût du conseil action devra donc lui être explicitement communiqué. Les établissements vont devoir dès à présent mettre en valeur leur offre de service pour justifier la tarification du conseil prodigué (analyses sectorielles pointues, chartisme, qualité et renommée des analystes).

UNE PRODUCTIVITÉ EN LIGNE DE MIRE

MiFID 2 impose aux établissements financiers de renforcer la formalisation des échanges entre le conseiller et le client. Chaque échange doit systématiquement être formalisé dans un document d’adéquation (Suitability Statement) quelle que soit la décision du client de passer ou non un ordre d’achat ou de vente suite à cet échange. Cette exigence diminuera la productivité des conseillers qui échangent régulièrement dans une journée avec leurs clients, notamment par téléphone. Des établissements financiers implémentent aujourd’hui des solutions automatisées pour que leurs conseillers ne limitent pas leurs actes de conseil en raison de la charge administrative chronophage liée à chaque acte. Des discussions sont en cours entre l’industrie financière et l’ESMA afin de limiter la portée de cette contrainte. En effet, MiFID 2 exigeant déjà que tous les échanges avec le client soient tracés et enregistrés, cette charge additionnelle peut apparaître comme excessive.

VERS UNE CONCENTRATION DU CONSEIL ACTIONS ?

Deux éléments majeurs risquent de conduire à une concentration des acteurs proposant du conseil action : la capacité à suivre un univers d’investissement suffisamment large et la faculté à supporter des coûts de mise en oeuvre IT importants afin de respecter les exigences de MiFID2. Les organismes financiers ayant la faculté de proposer à leurs clients un univers d’investissement large pourront répondre aux demandes de conseil sur des valeurs moins traitées ou davantage spécifiques, et gagneront de fait en crédibilité. Par ailleurs, les établissements qui seront aptes à produire des indicateurs de risque sophistiqués, des analyses graphiques et des backtestings seront avantagés. De plus, de part cette couverture large de valeurs, ils risquent moins d’être sujets à des poursuites pour « défaut de conseil » ou « manquement de mise en garde ». Par ailleurs, les établissements qui seront en mesure d’implémenter des solutions IT permettant de produire automatiquement des documents de Suitability Statement en limitant la sollicitation des conseillers tireront également leur épingle du jeu. Il apparait donc clair qu’à l’avenir, se positionner sur le conseil action représentera un véritable avantage concurrentiel pour les institutions financières car la plupart préfèreront se positionner sur le simple service de RTO* pour les actions et fournir du conseil uniquement sur des instruments moins risqués où l’adéquation au profil de risque du client sera plus aisée (fonds garantis, monétaire, obligations…). Mais encore faut-il avoir les moyens de proposer du conseil action.   * Réception et Transmission d’Ordres

 

AZIZ BEJAOUI
MANAGER

 

 

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