Omnicanalité : et si le luxe, c’était l’humain ?

07 novembre 2019

Le luxe, c’est « l’ordinaire des gens extraordinaires et l’extraordinaire des gens ordinaires ».


CES PETITS GESTES QUI FONT LA DIFFÉRENCE

Et si, à l’ère de l’omnicanal, le luxe, c’était l’Humain ? Pour les gens extraordinaires, c’est le personnel de maison, la conseillère attitrée dans les magasins de luxe, le gestionnaire de patrimoine. Pour les gens ordinaires, ce serait le sourire de la caissière ou de la boulangère, l’astuce donnée par le vendeur chez Apple, le verre de lait chaud au miel que vous propose cet hôtelier qui, constatant que vous avez une extinction de voix, vous dit « vous ne pouvez pas rester comme ça » … et cela avant même que vous ne lui demandiez quoi que ce soit…  C’est cela le luxe, ces petits gestes qui font la différence et qui créent une véritable reconnaissance du client.

Lors de la dernière édition de la Paris Retail Week, événement annuel européen qui met en lumière les tendances du monde du commerce, quels étaient les termes les plus cités lors des plénières ? « L’Humain » et « l’Environnement » ! Ce constat est d’autant plus évocateur que cela fait près de 20 ans que le digital règne sans partage sur cet événement, les participants ayant tous les yeux rivés sur le digital et la phygitalisation. Petite anecdote, même les plate-formistes[1] (dont Ali-Baba !) ont réussi à placer le terme « Humain » lors de la plénière consacrée aux marketplaces, comme si c’était un terme qu’il fallait absolument réussir à placer cette année sous peine d’opprobre. Bref, comme je le disais dans un précédent billet d’humeur, l’Humain est de retour. Et comme le disent les clients « cela fait du bien d’avoir un humain ». Parce qu’après avoir mis les clients au travail (en leur demandant de faire on-line eux-mêmes leurs courses, leurs virements, leurs requêtes diverses et variées), après leur avoir permis de devenir autonomes, de faire seuls les choses que le personnel faisait auparavant avec eux ou pour eux, ils ont certes pris le pouvoir, mais ils sont aussi de plus en plus seuls à gérer leurs problèmes de consommation.

RETOUR DE PLÉNIÈRE SUR UNE EXPÉRIENCE CLIENT RÉUSSIE

Revenons sur la Paris Retail Week : l’Humain y a largement occupé la scène et l’a avidement partagée avec l’Environnement. Lors de la plénière que j’ai animée intitulée « Parcours client agile – la boîte à outils d’une expérience client réussie », Nathalie Mesny (Monoprix) évoque les « delighters » chez Sarenza, capables de comprendre les clients, de rebondir sur leur propos et de prendre seuls les décisions quant au geste à ajuster. Un empowerment du personnel au contact auquel l’on redonne du pouvoir, des « delighters » en autonomie, qui comme leur nom l’indique, enchantent le client à l’instar du fameux service de la relation client chez Zappos, qui a renvoyé au placard toutes les métriques classiques de la relation client. Et Nathalie Mesny de rajouter « si vous voulez faire une expérience client réussie, il faut que les collaborateurs aient une expérience réussie » car « on irradie à l’extérieur ce que l’on vit en sincérité à l’intérieur ».

Quant à Guillaume Lachenal, à l’origine pure player, créateur de Miliboo.com (ventes de meubles) qui est pourtant parti à la rencontre de ses clients en implantant des points de vente, il précise que si les premières versions de ses points de vente étaient très phygitales, sa dernière version (magasin de la Madeleine) l’est moins, ou en tout cas que la technologie y est plus transparente et comme l’affirme Guillaume, « mon magasin, c’est pas un de magasin de geek, mais un magasin de mamie ». Tiens donc ! Le digital pour le digital serait en train de disparaître … Ce qui ne veut pas dire que l’on va s’en passer, bien au contraire… et Guillaume d’ajouter : « Si votre démarche n’est pas omnicanal, vous êtes plus qu’en retard, la technologie est déjà dispo, il faut l’utiliser, en faire usage et le vrai enjeu c’est le service client ».  Du digital choisi aux bons endroits …

Ainsi le vrai enjeu dans les prochaines années sera de trouver un juste équilibre entre technologie et Humain. Car même chez les Millenials, quand on leur demande ce qu’est une bonne expérience en magasin, vient en premier l’accueil (28 %), les conseils et la compétence (26%) et l’attitude des vendeurs (25 %), loin par exemple devant l’environnement du point de vente. Quand on leur demande ce qu’est une mauvaise expérience, ils citent en premier lieu (57%) « des vendeurs désagréables » (méprisants, insistants, oppressants, mauvais conseillers, absents).[2] L’enjeu sera donc le « prendre soin », le « prendre soin » de ses clients et de ses collaborateurs. Le dispositif pour « prendre soin » sera omnicanal, l’enjeu est ce délicat équilibre entre la liberté et le « prendre soin ». Certaines entreprises disent au téléconseiller de rajouter cette simple petite phrase « oui, je comprends, c’est embêtant ». Prendre soin, c’est comprendre le problème de l’autre, lui trouver une solution, avec la solution et les mots qui lui conviennent, loin de l’industrialisation et de la « scriptilisation » des échanges. Encore faut-il redonner au personnel au contact l’intelligence relationnelle et situationnelle à une époque où à force de vouloir faire entrer la relation humaine dans une boite, de telles qualités se sont considérablement amoindries ……


[1] Etude réalisée dans le cadre du colloque Etienne THil auprès de 287 étudiants âgés de 18 à 28 ans

[2] Plénière intitulée

régine vanheems
RÉGINE VANHEEMS
AUTEURE

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