Interview // Éric Campos, Directeur de la RSE, Crédit Agricole

15 février 2021

LES EVOLUTIONS DE LA SOCIETE APRES LE CHOC DU COVID

Nous sommes entrés dans une séquence où l’avenir proposé à notre civilisation va se jouer à l’échelle d’une ou deux générations. C’est une équation que nous n’avons jamais eue à résoudre et devant laquelle nous balbutions. Il s’agit de parvenir à décorréler la croissance économique, porteuse de pro- grès et d’intégration sociale, de la production de gaz à effet serre, porteuse de stupeur climatique et d’injustice sociale, à terme. Dans cette course planétaire complexe ou chacun est à peu près d’accord sur les défis du long terme, le court terme risque de nous en éloigner : nous sommes plongés dans un contexte économique rude où la croissance retrouvée sera l’un des préalables à la paix sociale alors même que la communauté de nos destins devrait nous inciter à adopter tout de suite des trajectoires cohérentes et adaptées aux enjeux climatiques.

Les travaux des scientifiques contribuent à faire prendre conscience des causes et des conséquences très probables du réchauffement climatique. Nous ne pourrons pas dire : «Je ne savais pas».

Dans son discours intitulé « Briser la tragédie des horizons », le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, évoquait la nécessité de jeter un pont entre les intérêts à court terme de la finance et ceux à long terme. Les deux sont aujourd’hui contradictoires. Pour réhabiliter les horizons entre court et long termes, le rôle des régulateurs et des législateurs est essentiel. À ce titre, la taxonomie européenne va structurer les financements et les investissements.

Le Crédit Agricole est favorable à l’exigence grandissante en matière de transparence extra-financière sur les sujets qui touchent la société comme notamment celui de la transition énergétique pour lequel il est naturel de rendre compte. En matière d’enjeu de société, nous devons apprendre à expliquer davantage ce que nous faisons surtout que sur le sujet de la finance verte, la place de Paris est aujourd’hui l’une des places financières parmi les plus exemplaires.

LES ACTIONS DU CREDIT AGRICOLE

Le climat est un sujet fondamental pour la banque verte et est au cœur de la relation commerciale avec les clients.

Devant ce défi, nous ne sommes ni pessimistes, ni optimistes mais porteurs des responsabilités qui sont les nôtres : celle de contribuer à éviter toute rupture brutale et réussir la métamorphose de notre modèle économique qui repose sur l’acceptation sociale de cette transformation. La question de la justice sociale et la question climatique sont intimement liées. Nous devons être très vigilants sur le maintien des principes de justice et, plus généralement, des valeurs qui fondent notre cohésion sociale, dans ce contexte d’urgence climatique. Ce n’est que collectivement que nous réussirons cette transition. C’est le sens de notre raison d’être.

Nous avons créé une gouvernance du sujet de la transition climatique au plus haut niveau de notre Groupe sous la forme d’un Comité qui anime le pilier sociétal de notre projet de Groupe. Ce Comité est composé de 12 dirigeants du Groupe Crédit Agricole. Il émet des recommandations sur le plan social et environnemental à destination des métiers.

La dimension scientifique est la colonne vertébrale de notre stratégie climat. Cette stratégie repose sur les travaux du GIEC ou d’autres qui s’en inspirent. C’est ainsi que nous avons choisi, par exemple, de faire en sorte que nos encours de financements sur les énergies suivent une trajectoire d’investissement et de désinvestissement en ligne avec le mix énergétique du scenario du développement durable de l’Agence internationale de l’énergie. Dans le secteur de l’énergie, une stratégie d’investissement et de désinvestissement a été élaborée sur la base des travaux du GIEC. Elle a conduit, par exemple, à acter la sortie du financement du charbon d’ici à 2030. Nous avons également créé un comité scientifique qui éclaire le Comité des dirigeants. Il est composé d’experts du climat, de la bio- diversité et de l’économie, afin qu’il nous aide à mieux com- prendre les progrès de la science, qu’il contribue à nos travaux de réflexion et à la pertinence de nos politiques sectorielles.

La question climatique est également intégrée au cœur de notre relation clientèle. Nous sommes convaincus que les meilleurs ambassadeurs du climat sont et seront nos équipes commerciales qui sont au contact de nos millions de clients ; ce sont elles qui accompagneront leur transition climatique. Depuis plusieurs mois, nous travaillons à l’élaboration d’un outil de mesure de la dynamique de transition climatique des entreprises clientes du Crédit Agricole. Cet outil, cette « note de transition climatique », est un outil de dialogue entre nos équipes et nos clients grandes entreprises. Cet outil de notation s’alimente par la donnée publique. Il est commun à tous les métiers du financement et de l’investissement du Groupe et nous permettra de suivre la nature et l’intensité de notre démarche d’accompagnement de la transition climatique. D’ici la fin de l’année 2020, toute notre clientèle cotée aura fait l’objet de cette notation. Dès l’année prochaine, nous allons le faire évoluer pour l’adapter aux entreprises non cotées.

Concernant les usages de consommation, il faut donner aux particuliers les moyens d’acheter des produits en toute connaissance de cause. Crédit Agricole contribue aux travaux de l’association « La Note Globale » qui élabore une notation multicritère qui a vocation à être apposée sur tous les pro- duits. Pour le prochain salon de l’agriculture, 4000 produits seront ainsi notés.

Dans la vision traditionnelle, le progrès se construisait dans un futur scientifique et technique sans limite d’espace ni contrainte de ressources. L’avenir allait nous apporter du mieux, ce qui nourrissait le contrat de confiance avec les générations futures. Pour éviter cette « tragédie des horizons », cette lutte entre le court et le long terme, il nous faut repenser la question de la nature du progrès : nous devons réussir à construire un avenir durable sous contrainte, celles de nos interdépendances, des limites des ressources de notre planète et de la résilience.

L’INTERVIEWÉ

ÉRIC CAMPOS
DIRECTEUR DE LA RSE, CRÉDIT AGRICOLE

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