Transformation durable : s’inscrire dans le temps

04 décembre 2020

Les initiatives de développement durable connaissent une accélération forte, mais l’appréhension des enjeux par les entreprises demeure souvent encore parcellaire, ce qui ne permet pas d’ancrer cette transformation durablement dans l’entreprise et d’avoir un réel impact.

La transformation responsable des entreprises, i.e., la prise en compte des enjeux du développement durable dans la stratégie d’entreprise, va de pair avec un concept assez nouveau et impactant, le « stakeholder capitalism instead of shareholder capitalism », selon lequel les entreprises doivent servir les intérêts de toutes leurs parties prenantes, et pas seulement ceux des actionnaires. Ainsi, la pérennité et la viabilité à long terme d’une entreprise ne dépendent pas uniquement de la maximisation des profits pour les actionnaires, mais aussi de la garantie que les intérêts des consommateurs, des employés et de l’environnement soient pris en compte. Cette idée, longtemps marginale, prend de plus en plus d’ampleur et est adoptée, contexte aidant, par un nombre croissant d’entreprises.

Les initiatives autour du développement durable (environnemental et sociétal) ont connu une accélération sans précédent, tant au niveau national et européen qu’international, notamment après la publication des 17 objectifs de développement durable de l’ONU et l’Accord de Paris sur le climat en 2015. Ces initiatives s’accompagnent d’un changement de paradigme pour tous les acteurs de l’écosystème:

  • Les clients vivent une prise de conscience généralisée: leurs choix de consommation ou d’usage intègrent désormais le respect de l’environnement et de la biodiversité ainsi que la responsabilité sociale ;
  • Les régulateurs promeuvent de nouvelles obligations légales sur la finance durable, l’impact carbone, le reporting RSE… le reporting extra-financier (2019) et la taxonomie verte (mars 2020) en sont les derniers exemples ;
  • Les investisseurs, institutionnels ou individuels, commencent un mouvement de désinvestissement des entreprises non durables (considérées comme non pérennes) ;
  • Les employés sont de plus en plus sensibles à la raison d’être de l’entreprise, et le développement durable apparaît comme un argument de rétention des talents et un catalyseur de diversité ;
  • Il est de plus en plus demandé à l’entreprise d’être un acteur responsable avec un ancrage local et des liens renforcés avec l’écosystème (dont les fournisseurs et les distributeurs), ce que Blackrock appelle « the company’s social licence to operate ».

Ce changement de paradigme, visible bien avant la crise sanitaire, s’est renforcé depuis. Au niveau individuel, la consommation durable a par exemple fait un bond de 20% en France, alors qu’au niveau des États, les plans de relance (Neistart Lëtzebuerg, France Relance, UK Plan to Rebuild…) comprennent un axe fondamental de relance durable. Les entreprises qui s’engagent dans la transformation durable pourraient retirer un avantage compétitif conséquent, encore mal exploité aujourd’hui. Une étude du MIT estimait en 2017 que plus de la moitié des entreprises dans le monde n’avaient pas de stratégie RSE. Les entreprises qui en ont une répondent essentiellement à des obligations légales (reporting extra-financier, émissions carbone, égalité…) et intègrent rarement volontairement les préoccupations sociétales et environnementales. En cause : des enjeux RSE appréhendés de façon partielle, souvent cantonnés à la responsabilité individuelle du salarié et à la communication, ainsi que la difficulté d’engager une transformation durable pérenne.

L’approche holistique préconise de prendre en compte l’entreprise dans sa globalité en intégrant les enjeux de développement durable dans l’ensemble de ses composantes à des niveaux stratégique, tactique et opérationnel : de la définition de sa mission ou de sa raison d’être à la revue de la stratégie achats et de la relation fournisseurs, en passant par l’élaboration de l’offre de produits & services, la rationalisation du modèle opérationnel pour répondre à des objectifs de durabilité (éthique, gouvernance, impact carbone…), ou encore la refonte de la politique RH (intégrant diversité, développement des compétences, rémunération éthique…). L’utilisation de cadres normés tels que les matrices de matérialité et les standards de reporting RSE (généralement un mix entre les Global Reporting Initiative – GRI et Sustainability Accounting Standards Board – SASB) peut permettre d’identifier les domaines d’action prioritaires de la transformation durable. Pour ancrer le changement durablement dans le temps, notre expérience a montré la nécessité d’actionner les leviers opérationnels, techniques, organisationnels, humains et culturels.

Les bénéfices pour l’entreprise engagée dans une transformation durable sont divers: identifier de nouvelles opportunités de développement, pérenniser l’activité, maîtriser les risques, rassurer les investisseurs, retenir et attirer de nouveaux talents, engager les collaborateurs autour d’une vision partagée, améliorer l’image de marque et la marque employeur… Appréhender le business case d’une telle démarche nécessite de repenser les méthodologies afin d’aller au-delà des aspects coûts/bénéfices financiers directs, et proposer ainsi un « CSR-enhanced business case ».

NATHALIE MEGE
MANAGING PARTNER, TNP LUXEMBOURG
CHEDY RIEU
CONSULTANT CONFIRMÉ, TNP LUXEMBOURG

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