Agile Washing : tous agiles ?

22 juillet 2019

Les méthodes Agile se sont répandues dans de très nombreuses organisations, mais elles ne sont pas toujours comprises ou mises en pratique correctement. À l’instar du Green Washing, visant à « verdir » l’image d’entreprises parfois très éloignées des questions écologiques, l’Agile Washing consiste à adopter un positionnement porté sur l’Agilité pour redynamiser son image.

Le terme Agile est en vogue ces derniers temps. De plus en plus répandue et utilisée, l’Agilité peut cependant rapidement devenir pour beaucoup une notion fourre-tout. De nombreuses entreprises revendiquent-elles ainsi un mode de fonctionnement Agile alors qu’en réalité il n’en n’est rien. Les méthodes Agile ont en effet colonisé le vocabulaire employé dans nombre de DSI et directions métier : on parle de « stories », de « sprints », nombreux sont ceux qui s’improvisent « Scrum Master » ou « Product Owner » (PO) le temps d’un projet… On en parle beaucoup, mais dans les faits cela ressemble tout bonnement à de l’Agile Washing. C’est ainsi que l’on voit émerger des équipes qui continuent à réaliser leurs projets selon un modèle cycle en V tout en utilisant des terminologies Agile.

UN PHÉNOMÈNE DE MODE…

Pour être à la mode ou parce que le top management l’a demandé, l’équipe ou le management qui, sans vouloir rien changer, prétend faire de l’Agile, et surtout l’afficher, se cache derrière des buzzwords et des post-it. En réalité, les collaborateurs restent en cycle en V et revendiquent faire de l’Agile uniquement pour l’image. Car l’Agilité est devenue un étendard que l’on brandit pour apporter une certaine valeur aux yeux des clients et du top management. Dans ce contexte, le chef de projet peut être appelé Product Owner, sans qu’il ait réellement saisi son rôle, et le planning divisé en semaines appelés « Sprints », sans en avoir perçu la raison d’être. De nombreux post-it sont affichés dans l’open-space, sans que l’objectif de ce management visuel ait été compris, et le vocabulaire Agile largement utilisé – MVP, Kanban, devOps, feature team, etc. – sans leurs donner de véritables sens. Ces changements (de façade) permettent d’imaginer être passé en mode Agile alors qu’en réalité, dans le fond, rien n’a changé : pas d’autonomie des membres de l’équipe projet, pas de livraison d’application fonctionnelle à la fin de chaque sprint, le Product Owner fournit des spécifications techniques sans priorisation et attend que le MOE livre l’ensemble du périmètre…

ATTENTION, DANGER !

En effet, sans conduite du changement, on reste sur les réflexes historiques. Le PO nommé agira comme avant, lorsqu’il était chef de projet, si on ne lui explique pas précisément son rôle en qualité de Product Owner et l’état d’esprit général qui en découle. De même, les opérationnels continueront d’effectuer leurs tâches quotidiennes, certes émaillées du vocabulaire Agile mais il n’y aura pas de réel changement. Pourtant, la prudence est de rigueur car l’Agile Washing en vient à être contre-productif, voire risqué. Il serait même préférable de rester en cycle en V, que l’on maîtrise bien, car les conséquences s’avèrent souvent désastreuses. En effet, les objectifs fixés peuvent finalement ne pas être atteints et les équipes désorganisées et déstabilisées, conséquences du flou qui règne sur le mode de fonctionnement, les rôles de chacun etc. On constate une démotivation des collaborateurs qui espéraient un changement et qui se retrouvent finalement frustrés et déçus face aux promesses non-tenues de l’Agile, chez les opérationnels mais aussi coté management. Se développe alors un risque de résistance des équipes, en particulier si un jour émerge le souhait d’une véritable transformation Agile. Dans le futur, conduire le changement pourrait être encore plus compliqué.

Bien plus que des buzzwords et des post-it, le fonctionnement en mode Agile est avant tout un ensemble de valeurs et principes impliquant un changement culturel au sein des organisations qui requiert une transformation en profondeur de la manière dont les équipes travaillent et les différents interlocuteurs interagissent. Car en réalité « l’Agile c’est 30% de pratiques/outils et 70% de culture ». L’Agilité conduite à l’échelle de l’organisation bouleverse la façon de travailler et la culture d’entreprise. Pour espérer profiter des bénéfices d’une transformation Agile, il est donc important d’avoir conscience des changements induits et prévoir l’accompagnement adéquat. Une entreprise qui veut gagner en Agilité doit laisser le temps aux collaborateurs de s’approprier les valeurs et principes Agile, en expérimentant le fonctionnement Agile sur des périmètres restreints. Les équipes accompagnées par des coachs expérimentés pourront comprendre les fondements de l’Agile et apprendre à implémenter correctement ses principes.

Mejdi Hizem
MEJDI HIZEM
MANAGER

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