Comment les achats s’inscrivent-ils dans une logique durable ?

Un article de Guilhem Lavabre, directeur TNP, paru dans le livre blanc « Crise énergétique et climatique : quelles stratégies innovantes ? »

L’alignement des achats et de l’environnement ne peut plus être un compromis ou une alternative. Il s’agit d’un prérequis. La fonction Achats s’inscrit de facto dans une approche de durabilité dès lors qu’elle poursuit intelligemment ses objectifs traditionnels. En effet, les objectifs d’efficience économique et de durabilité sont alignés. En outre, concilier les impératifs économiques et les objectifs environnementaux permet de changer d’échelle et d’avoir un impact réel et mesurable.

Il apparaît désormais que la recherche prioritaire d’économies via la consolidation des volumes ou les délocalisations manque de pertinence. La fonction Achats doit se projeter au-delà du triptyque usuel : massification, sourcing, négociation. Elle doit remettre en cause sa manière de remplir sa mission avec une approche davantage orientée autour des chaînes de valeur.

Au lieu de faire pression auprès des fournisseurs pour obtenir une baisse des émissions de carbone, il est essentiel de commencer par déterminer dans quelle mesure les chaînes de valeur peuvent être optimisées. La fonction achats a l’opportunité de revenir aux besoins fonctionnels pour l’entreprise de recourir à des ressources externes, et de qualifier les différentes solutions possibles dans une logique économique et durable.

L’exemple d’un distributeur de boissons

Le leader mondial des machines de distribution de bois- sons et de snacks était dans une logique de baisse des coûts d’achat, au travers d’une démarche de standardisation et de massification. Le manager de la mission a décidé de revenir aux besoins du « business ». La finalité de l’entreprise est-elle l’achat de machines de distribution ou l’obtention d’un revenu lorsqu’un client achète une boisson ou un snack ?

Il est important de s’interroger sur le coût complet d’un « business ». En effet, le coût d’achat de la machine peut être secondaire par rapport aux coûts des personnels qui nettoient et remplissent les machines. Si les collaborateurs se déplacent moins souvent pour renouveler les ingrédients nécessaires, cela génèrera moins de déplacements et mobilisera moins de personnes. L’objectif est de redéfinir la typologie des machines et de réduire la fréquence des passages afin de réaliser des économies, tout en diminuant l’empreinte carbone.

L’optimisation des chaines de valeur

 

La révision des chaînes de valeur permet d’identifier toutes les opportunités de création de valeur. L’examen de la proposition de valeur conduit à regarder le besoin dans son ensemble, avec des chiffres précis et des évaluations quantifiées. Toutes les options doivent être investiguées en prenant en compte la notion de durabilité, avant de se fixer sur une voie.

Ainsi, des machines différentes – par exemple, avec davantage de matières premières et des filtres plus efficaces – peuvent apporter aux clients des solutions pour délivrer des services de boissons chaudes optimisées et espacer la fréquence du nettoyage et du restockage des machines. La fonction Achats facilite alors la création de solutions via l’innovation.

Cependant, deux entraves majeures à une telle optimisation sont souvent rencontrées. Tout d’abord, le syndrome des services Achats qui achètent ce qu’on leur demande d’acheter au lieu d’appréhender la chaîne de valeur globale. Ensuite, les acheteurs quand ils imposent autoritairement la baisse de l’empreinte carbone à leurs fournisseurs, dans une attitude de rajout d’une exigence, au lieu de rentrer dans une logique d’innovation conjointe avec eux.

Les achats durables correspondent à l’optimum économique : moins de matières et moins d’énergie consommée, avec des ressources humaines mieux utilisées. Nous devons sortir de la logique considérant qu’à un besoin ne correspond qu’une seule solution. En réalité, il existe plusieurs solutions et plusieurs façons de satisfaire un besoin. C’est par cette recherche d’alternatives dûment quantifiées sur l’ensemble des chaînes de valeur, ainsi que par l’encouragement à l’innovation des fournisseurs, que la fonction Achats apportera une contribution maximale, tant à l’efficacité économique qu’à la durabilité des activités de son organisation d’appartenance.