La réinvention du rêve automobile

Un article de Gilles le Borgne, directeur de l’Ingénierie (Renault Group), paru dans le livre blanc « La mobilité en 2035 »

Aujourd’hui, l’industrie de l’automobile fait face à un double défi : mettre en oeuvre la transition écologique tout en assurant une mobilité accessible.
En pratique, allier transition écologique et mobilité pour le plus grand nombre apparait hors de portée : Renault et Dacia, des marques « populaires » au sens noble du terme, souhaitent développer des voitures accessibles à un maximum de clients. Cependant, un véhicule Premium équipé d’une batterie de 120 kilowattheures (kWh), avec 700 kilomètres d’autonomie, au coût de 120 000 euros, ne couvre pas les besoins de mobilité du plus grand nombre.

La décarbonisation de l’automobile

Le 14 juillet 2022, la Commission européenne a présenté la directive « Fit for 55 » dans le but d’accélérer la lutte contre le changement climatique en réduisant les gaz à effet de serre d’au moins 55 % en 2030 par rapport à 1990. La directive « Fit for 55 » impose le choix des véhicules élec- triques à partir de 2035, en ne prenant en compte que l’usage du véhicule (Well-to-wheel).

Le Groupe Renault s’est engagé à baisser les émissions de CO2 en devenant neutre en carbone en 2040 pour l’Europe et en 2050 dans l’ensemble de ses opérations mondiales.
Pour nous, cette neutralité s’entend sur l’ensemble du cycle de vie (Cradle-to-grave) en prenant en compte les matières premières, la fabrication, l’usage des véhicules, ainsi que leur recyclage.

Dans le cas des véhicules électriques, l’impact du carbone est différent si l’on fabrique les batteries en Pologne (650 grammes de CO2 par kWh). Ainsi, un véhicule électrique doit rouler entre 30 000 et 100 000 kilomètres pour rembourser la dette carbone liée à la fabrication de ses batteries. Si l’usage du véhicule se fait essentiellement dans des pays à l’électricité fortement carbonée, il peut ne pas y avoir de remboursement de la dette carbone des véhicules électriques.

Le Groupe Renault défend la neutralité technologique. En effet il n’existe pas une seule technologie en matière de mobilité décarbonée. Il est essentiel d’être multi-technologies et de laisser les ingénieurs trouver les meilleures solutions.

Par exemple, pourquoi ne pas utiliser les carburants de synthèse ? Le moteur thermique pourrait être efficace avec le e-fuel si la réglementation reconnaissait son intérêt et le requalifiait en carburant « carbon friendly ». Ainsi, il serait logique d’assurer la mobilité en dehors des villes avec des carburants de synthèse et d’utiliser l’électrique pour la mobilité intra-muros.

Les véhicules électriques

Des investissements majeurs ont été réalisés par les constructeurs dans le développement des véhicules électriques. Avec plus de 10 milliards d’euros déjà investis dans le domaine de l’électrification, Renault, Nissan et Mitsubishi ont été les pionniers du véhicule électrique, notamment pour des véhi- cules phares comme la ZOE, Megane E-tech, la Scénic E-Tech, la R5 électrique, la R4 électrique…

Pour fabriquer des véhicules électriques, un constructeur doit revoir toute la chaine de valeur. Actuellement, Renault maîtrise 10 à 12 % de la chaine de valeur de l’électrique. À l’horizon 2027-2030, Renault escompte contrôler 80 % de la chaine de valeur grâce à la multiplication des partenariats et à l’intégration des éléments de la chaine.

Le Groupe Renault développe actuellement des véhicules électriques jusqu’à 50 kilowattheures (kWh) de batterie, avec 400 kilomètres d’autonomie, en baissant les coûts de 30 % par rapport à la Zoé. Malgré la hausse des matières premières, Renault saura rendre l’électrique accessible au plus grand nombre.

Pour arriver à ce résultat, il faut maîtriser les coûts de la chaine de traction électrique et basculer les plateformes existantes en version électrique, avec la réutilisation d’un maximum de composants.

Les véhicules à l’hydrogène

L’hydrogène est adapté aux gros véhicules et aux utilitaires. En effet, la plupart des utilitaires pour les messageries, les livraisons, les artisans… font des tournées et reviennent au même endroit. Ils n’ont donc pas de problème de réseau de charge.

En réalité, le rendement global sur la chaine de carbone d’un véhicule à hydrogène est à peine meilleur que celui d’un véhicule thermique. Mais lorsque l’objet est gros, comme un camion ou une camionnette, l’hydrogène s’impose car il évite une batterie électrique trop volumineuse.

Les nouveaux usages

Les véhicules électriques ont impérativement besoin d’être connectés. Grâce à cette connectivité, le véhicule peut pro- poser au client l’identification des points de recharge pour les batteries, l’accès aux apps de Google, l’accès à la télévision… Ainsi, la Megane E-Tech est équipée d’une vingtaine de calculateurs totalement connectés. C’est un prérequis pour faire du partage de véhicules, un service proposé par Mobilize à ses clients.

La connexion est également utile pour l’accès au « grid », le réseau intelligent. En effet, un véhicule électrique peut se recharger ou recharger le réseau. Avec le « VtoG » (Véhicule-to-Grid), la nouvelle R5 électrique aura la possibilité d’échanger avec le réseau de charge. En outre, la connexion au réseau électrique permet aux clients d’être rémunérés

 

Les clients de l’électrique

Le taux de satisfaction des clients de l’électrique est excellent. Un automobiliste qui passe à l’électrique est généralement acquis tant les améliorations sont remarquables en termes d’agrément, de performance, de silence… La durée de vie des batteries s’avère plus longue qu’escompté et les coûts d’entre- tien sont plus faibles. Outre des prestations de haut niveau, la voiture électrique, en France, est trois fois moins émettrice de gaz carbonique à l’usage.

En revanche, les trajets de longue distance doivent encore être préparés en raison de l’autonomie et de la recharge des batteries. Il faut encore améliorer la disponibilité des bornes électriques, le temps de charge et l’autonomie des véhicules.

En ville, le véhicule électrique s’impose. Mais, il est important de laisser d’autres voies technologiques ouvertes, comme le carburant de synthèse.