Le modèle des énergéticiens de demain : vers une entreprise sobre

Un article de Ludovic Piacka, associé TNP paru dans le livre blanc « Comment accélérer la transition énergétique ? »

Dans une tribune publiée au Journal du Dimanche du 26 juin 2022, les trois plus grands énergéticiens français, Engie, EDF et TotalEnergies invitent les particuliers, comme les entre- prises, à la sobriété. Elles s’engagent parallèlement à investir pour atteindre la neutralité carbone. Quels sont les enjeux auxquels font face les entreprises énergétiques et quelles sont les solutions apportées et à venir ? Voici un tour d’horizon de la question.

Le contexte énergétique

Les entreprises énergétiques ont connu plusieurs changements majeurs ces cinquante dernières années et ce, quelle que soit le type d’énergie concernée. Elles ont dû s’adapter aux chocs pétroliers de 1973 et 1979 avec la multiplication du prix du baril de pétrole par quatre. La prédiction d’un pic pétrolier, « Peak Oil » a également guidé leur action même si, à ce jour, ce dernier n’est pas encore advenu.

Concernant l’électricité, les entreprises déploient des moyens humains et financiers importants pour développer l’offre d’énergie verte d’ici 2050. Le nucléaire français est engagé dans la réduction de l’empreinte carbone des ménages et des entreprises. Les actions mises en place dans le nucléaire pour y parvenir s’appuient sur deux documents : la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Plus récemment, tout le secteur de l’énergie a connu un choc énergétique après le conflit ukrainien. Ce dernier a mis en exergue la dépendance de l’Union Européenne avec le gaz russe. Les prix du gaz et du baril de pétrole ont ainsi flambé dès février 2022 atteignant, respectivement, 139 dollars le baril et 345 ¤ le mégawattheure (MWh).

Des inquiétudes se sont également portées sur la production électrique. Début 2022, une dizaine de réacteurs nucléaires étaient à l’arrêt. Cela a entrainé une diminution de la capacité de production d’électricité nucléaire de 20 %.

Les réponses apportées par les grands énergéticiens

À l’origine, les entreprises énergétiques ne produisaient qu’un seul fluide : pétrole, gaz ou électricité. Véritable moteur de l’économie, le secteur représente, à lui seul, 2 % de la valeur ajoutée de la France et compte plus de 139 000 emplois. Cela explique la crise économique majeure qu’a connu le pays lors des chocs pétroliers dans les années 1970.

Après cette crise pétrolière, une première révolution a eu lieu dans le monde des producteurs d’énergie. Ces derniers se sont tournés vers la distribution. Ils sont devenus des« retailers », ce qui leur a permis de renforcer leur position dominante au cœur de l’économie française.

Fort de cette situation, une deuxième révolution a marqué le secteur dans les années 1990. Devant la libéralisation de l’industrie de l’énergie, les énergéticiens ont souhaité maîtriser plusieurs fluides. Certaines entreprises ont alors proposé à leurs clients des offres duales. Il s’agit de contrat regroupant le gaz et l’électricité chez un même fournisseur.

Enfin, dans les années 2000, le secteur de l’énergie a connu un bouleversement majeur dans un contexte d’accélération du changement climatique. La diminution de leur dépendance aux énergies fossiles et carbonées devenant prédominante, les énergéticiens ont intégré les énergies renouvelables dans leur offre de service.

Les mesures actuelles et à venir pour plus de sobriété

Depuis quelques années, les entreprises énergétiques sont de plus en plus engagées dans la décarbonisation de leur activité. Elles renforcent leurs efforts dans le développement des énergies renouvelables comme le solaire ou l’éolien. Elles se tournent également vers d’autres ressources comme l’eau à travers le secteur des utilities. Celui-ci intègre la production, le trading, la distribution et la commercialisation d’électricité, de gaz, ainsi que le traitement de l’eau. En 2022, le secteur représente 0,4 % du PIB avec la présence des fleurons mondiaux d’origine française Suez et Véolia.

La valorisation des déchets constitue un autre levier d’action pour les entreprises énergétiques. De nouveaux concepts ont vu le jour en lien avec la préservation de l’écosystème. L’idée est de créer une économie circulaire en matière d’énergie, connu sous le nom Reduce, Re-use,Re-cycle. Celle-ci va dans le sens de la sobriété énergétique.

Enfin, les producteurs et distributeurs d’énergie réfléchissent à privilégier une production et une consommation locale. L’heure n’est plus aux grandes centrales solaires au sol, mais plutôt à l’essor de petits modules solaires. Dans le secteur nucléaire, le mouvement est identique. Les grandes centrales vont être remplacées par des unités plus petites et modulaires, comme les réacteurs SMR.

L’entreprise énergétique de demain tend donc à devenir une entreprise écoresponsable qui participe activement à la sobriété énergétique. Elle s’appuiera de plus en plus sur une combinaison de plusieurs fluides, une capacité de production décentralisée et la création d’écosystèmes innovants et solides.

Actualités liées