Rendre le digital et l’humain plus hybrides pour gagner en performance commerciale

Assurance - people & digital

En 25 ans de digitalisation, les assureurs ont compris que la distribution en ligne ne concurrence pas les réseaux physiques. Au contraire, le digital permet de gagner en proximité et en intensité relationnelle. À condition, toutefois, que les commerciaux puissent s’appuyer sur les informations captées en ligne et que la valeur créée soit équitablement partagée. Associé de TNP Consultants, Franck Mahé explique comment et pourquoi.

La digitalisation est au cœur de la transformation de l’assurance et de ses modèles de distribution. Néanmoins les parcours 100 % digitaux ne sont pas privilégiés par les clients : « L’expérience montre que moins de 5% des ventes ont lieu au terme d’un parcours entièrement digitalisé, observe Franck Mahé, associé au sein du cabinet TNP Consultants. Pas question, pour autant, de faire l’impasse sur ces investissements : « Même s’il en fait peu usage, il faut offrir au client la possibilité d’aller au bout de son parcours et de souscrire en ligne, tout en lui proposant également de se réorienter à tout moment sur le canal de son choix (point de vente, plateforme relation client, etc.). C’est au client de choisir en fonction de son contexte », conseille Franck Mahé.

Une approche qualitative de l’omnicanalité

« Je suis absolument convaincu que la relation humaine est centrale dans la distribution d’assurance », poursuit Franck Mahé. Le client peut, certes, mener ses recherches en ligne avant de souscrire : pour cette dimension d’éveil et de découverte, le digital est parfait, voire supérieur à l’humain si le parcours et les outils sont bien pensés (notion d’expérience).

Mais pour un véritable conseil, l’interaction humaine est déterminante. « Les assureurs doivent positionner la relation humaine là où elle a une réelle valeur ajoutée», conseille Franck Mahé qui plaide pour une approche qualitative de l’omnicanalité. Cela passe par une véritable réflexion sur le parcours client : « Il doit être fluide et sans couture.
Le client doit pouvoir passer facilement du digital à l’humain sans avoir besoin de renouveler l’objet de sa demande.
». Une gestion qualitative de l’omnianalité repose sur une gestion partagée du « contexte » client. Il faut donc que le conseiller dispose d’une synthèse des éléments de contexte.

Vers une vente augmentée

« Le digital permet de capter énormément de données, explique Franck Mahé.
Elles peuvent aider le conseiller à développer une véritable proximité relationnelle avec le client. » Il est en effet utile de connaître la maturité du contact, c’est-à-dire la date à laquelle le lead a été généré, ainsi que le nombre de recherches engagées par le client. Mais aussi le type d’offres qu’il a consultées : s’il s’est intéressé à plusieurs formules de l’offre produit, par exemple, il a sans doute besoin de comprendre leurs différences et leur pertinence par rapport à sa situation. « Lors de l’entrée en relation, qui représente un moment déterminant pour la suite, le commercial peut alors se mettre immédiatement en posture de conseil et développer de la proximité, et même de la confiance », apprécie Franck Mahé qui qualifie ce type de parcours hybride de « vente augmentée. »

Rentabiliser le recrutement digital

Optimiser les démarches commerciales est un impératif au regard des coûts du recrutement digital : « Aujourd’hui, la conquête d’un client via le « lead digital » coûte entre 100 et 200 €, estime Franck Mahé. Attention, ce calcul n’intègre que les actions permettant de générer un lead et de l’exploiter. Il ne prend pas en compte les investissements en marketing et en communication». Il faut donc en moyenne six à huit ans de fidélité pour rentabiliser cette acquisition.

Le consultant plaide donc pour « un retour aux fondamentaux de la démarche commerciale ». La réactivité, d’abord : « Un lead doit être exploité dans les 30 minutes qui suivent le moment où il a été généré », estime Franck Mahé. Mais aussi la sélectivité dans l’exploitation des leads : les données de navigation du prospect permettent d’établir un score d’appétence. Et enfin, la sélectivité dans le dispositif commercial choisi : « Inutile de diffuser ces contacts qualifiés à l’ensemble des réseaux. Mieux vaut les confier aux commerciaux qui savent le mieux vendre tel produit ou s’adresser à telle cible de population. Pour les identifier, c’est simple : il suffit de regarder les chiffres ! » Mais c’est tout de même plus simple si l’on dispose d’une plateforme digitale : « C’est un investissement important, admet Franck Mahé. Mais il me semble difficile d’avoir une démarche commerciale hybride et sans couture sans ce type d’outil. »

Pour un partage équitable de la valeur

« La mort des agents généraux et des courtiers a régulièrement été annoncée, insiste Franck Mahé. Le digital est au contraire un prolongement relationnel des réseaux : il permet de renforcer la proximité et l’intensité de la relation. » À condition, toutefois, que les réseaux y trouvent leur compte : un partage de la valeur juste et équitable est nécessaire.

Ce partage de la valeur doit reposer sur la mesure de la performance des réseaux autour de trois critères : l’efficacité (c’est-à-dire le taux de transformation), l’efficience (ou la capacité à enregistrer des ventes additionnelles ou plus haut de gamme) et la durabilité (la durée de la relation ou Lifetime Value). « La question de la durée de vie des contrats est primordiale, explique Franck Mahé. Pour amortir les coûts de conquête, mais aussi pour capter les meilleurs risques : le risque tend à s’améliorer avec la durée du contrat. »

C’est sur la base de ces indicateurs que la valeur doit être partagée entre la compagnie et ses réseaux. La clé de répartition n’est pas toujours facile à définir : elle fait l’objet d’âpres négociations avec les réseaux. « Je suis absolument convaincu qu’il ne faut jamais mettre les canaux en concurrence, mais trouver la bonne hybridation » estime Franck Mahé.

Franck Mahé Partner