Supply Chain : s’engager dans une transformation opérationnelle efficace et durable

12 juillet 2021

1-   Animer et fédérer autour du projet toutes les parties prenantes pour co-construire la solution

Le premier acte pour fédérer autour d’un projet est d’impliquer toutes les composantes du comité de direction, et ainsi contourner l’effet silo constaté dans la plupart des organisations.

II convient de mettre en phase la vision Supply Chain, la vision des achats et la vision commerciale, tout en intégrant la vision du futur, c’est-à-dire les nouveaux développements produits et l’évolution du réseau. C’est une sorte de S&OP étendu sur un horizon plus stratégique que celui du pilotage à 6-12 mois.

Supply Chain, Achats & sourcing

Stratégiquement, il faut intervenir sur les achats/le sourcing pour améliorer la disponibilité des composants, en lien étroit avec la supply chain. Il faut prévoir de porter éventuellement davantage de stock dans ses projections, l’enjeu est de sécuriser les composants. Citons quelques leviers de sécurisation, qui sont à pondérer selon les contextes :

  • Revisiter son panel de fournisseurs : établir une matrice de sourcing pour prioriser les sous-ensembles homogènes de composants, où il existe un réel besoin d’élargir l’assiette de fournisseurs. Cela suppose de prendre du temps pour les qualifier, impliquant souvent la R&D dans ce processus avec un cahier des charges technique et logistique assez fort. Il faut l’anticiper et le planifier, les impacts n’étant pas immédiats.
  • Renforcer si possible son sourcing en Europe pour se prémunir des alea liés au transport
  • Renforcer la relation avec les fournisseurs et leur transmettre une vision prévisionnelle du besoin sur un horizon moyen / long terme qui dépasse l’horizon de commandes.
  • A plus court terme ; dans certains cas, il est possible de passer moins de commandes, mais plus importantes auprès de son panel existant de fournisseurs. Cela peut s’avérer utile même si cela est aux antipodes de la logique « lean » (nous sommes ici davantage sur une logique de résilience). Il faut porter un peu plus de stock, mais dans certains cas, les fournisseurs ont un intérêt économique à prioriser. Il faut aussi doser cela pour éviter tout effet bullwhip qui viendrait impacter négativement la SC globale.

Supply chain et direction commerciale

Dans cette période de tension sur les matières premières et les composants, la disponibilité de certains composants est réduite et peut induire à son tour de la pénurie temporaire sur certains produits. La supply chain a donc pour mission de travailler avec la direction commerciale sur des scenarios de priorisation des produits par canal ou par client, reposant sur des quotas.

Compte tenu des restrictions de composants et matière premières qui vont impacter la disponibilité produit, il est assez naturel de favoriser les best-sellers en production afin d’optimiser l’impact commercial.

Par ailleurs, il est nécessaire de travailler sur des quotas qui ont le mérite de donner de la vision aux clients et de remplacer les mauvaises surprises par de mauvaises nouvelles (une mauvaise nouvelle est une mauvaise surprise anticipée). Pour ce faire, au-delà de ce que peuvent proposer les outils de planification qui descendent très vite à la micro-référence, il est nécessaire de trouver un langage d’échange plus agrégé et compréhensible par tous afin qu’il parle aux différentes directions. Trop souvent, on voit des SC compétentes, précises, outillées, mais qui manquent de recul sur leur sens business et leur capacité à communiquer efficacement avec le reste de l’entreprise. La répartition optimale de la pénurie est un levier à ne pas négliger !

Supply chain, R&D – Méthodes

La R&D et les méthodes doivent être impliquées à double titre dans le sourcing, les achats et les approvisionnements.

D’abord la supply chain devra s’assurer que les dates de lancement prévisionnelles tiennent toujours la route, afin d’intégrer les nouveautés au bon moment à la planification d’ensemble. Leur poids en production dépasse l’importance de leur vente car la composante de mise en place ou d’assortiment vient se rajouter aux quantités à produire. Un décalage en production suite à un retard de développement peut générer énormément de perturbations sur la charge de production.

Ensuite, par rapport à la qualification d’éventuels nouveaux fournisseurs, dont on doit vérifier qu’ils sont techniquement au niveau, ce qui dépasse le cadre de compétences des sourceurs ou des acheteurs et de la supply chain

Dans ce contexte de mobilisation des forces vives de l’entreprise cliente, nous sommes en mesure d’avancer selon un cadre coordonné dans lequel le S&OP pourra complètement s’inscrire. Le point essentiel est de réunir les composantes de l’organisation et de les faire travailler ensemble pour qu’elles s’approprient complètement le projet qui devient fédérateur et opérationnel.

2-   Utiliser les approches traditionnelles pour construire la solution, tout en activant les leviers digitaux

Il arrive souvent que nos clients nous demandent de les accompagner pour digitaliser leur supply chain. Cela s’accompagne souvent d’autres points, de nature différente, et à régler en même temps pour fédérer les équipes autour du projet :

  • dé-siloter l’organisation
  • renforcer les processus élémentaires que sont la demand review et le S&OP
  • construire un langage macroscopique pour communiquer efficacement entre les différentes composantes de l’organisation
  • renforcer le sourcing, qui, de manière connexe à la SC, a souvent besoin d’être optimisé : de nouveaux entrants, une composante supplémentaire de sourcing européen
  • renforcer le lien avec les fournisseurs qui, souvent, n’est pas assez fréquent pour adresser efficacement les problématiques rencontrées
  • accélérer les flux, c’est-à-dire réduire tous les temps d’attente sur les différents points de la chaîne.

Il n’en reste pas moins qu’il existe deux domaines où la technologie peut rendre de grands services, moyennant des niveaux d’investissement limités et maîtrisés : l’amélioration des prévisions de ventes et la robotisation des tâches. Cela peut donc s’appliquer à des entreprises de taille moyenne :

  1. L’IA, à travers ses algorithmes et méthodologie particulière (réseau neuronal, random forest, etc.), peut substantiellement faire décroître l’incertitude de prévision, cela veut dire moins d’immobilisation à travers les stocks de sécurité, une meilleure disponibilité produit ; la capacité de transport et de meilleures ventes.
  2. Ensuite, il y a la robotisation des tâches à faible valeur ajoutée qui permet de réaliser des économies : robotisation des routines, l’élimination de tâches manuelles liées à la préparation des données (par exemple pour un S&OP)

Le digital a bien d’autres implications mais qui supposent des investissements plus importants :  pour n’en citer qu’une, la sécurisation des flux à travers le RTTV (Real Time Transportation Visibility) ; cela peut compléter et nourrir efficacement une approche « control tower », en particulier dans le cas du pilotage au-delà des frontières de l’entreprise (entreprise étendue) : extended supply chain.

En y mettant davantage d’ambition, le digital permet une extension de l’offre de service de la supply chain, véritable différenciant stratégique qui augmente l’offre de valeur au client final : supply chain as a service (SCaaS). Citons à titre d’illustration, le cas d’une maintenance de véhicule qui pourrait avoir lieu sur le parking du lieu de travail du client.

Les approches traditionnelles et digitales devront être conciliées pour piloter, arbitrer, accélérer les flux d’information et donc de produit. Il faut donc accompagner les clients dans le choix et la mise en œuvre des solutions.

3-   Intégrer l’approche green et la positionner comme un levier de changement et d’économies

Les consommateurs sont désireux d’avoir une visibilité de l’impact environnemental des produits qu’ils achètent : tant du point de vue de la composition du produit (les produits sont recyclés -économie circulaire – ou conçus à partir de matériaux recyclés), que du transport logistique qu’ils souhaitent plus « green ». Ce phénomène, plus particulièrement présent chez les jeunes, va prendre davantage d’ampleur dans les années qui viennent. En réponse à ces attentes, les grands groupes, tous secteurs confondus, cherchent à rendre leur logistique plus green pour motiver les achats de leurs clients, mais également pour réaliser des économies concrètes de coût sur le transport. Cela va impliquer des modes de transport plus green, des camions plus verts, ou davantage d’utilisation de biocarburants.

Ces principes green, s’ils sont intégrés dès l’amont des projets et dans une logique end-to-end, peuvent être générateurs d’économies.

  1. La réduction de l’empreinte carbone impose une optimisation logistique qui permet de réduire les coûts, à condition d’intégrer les contraintes sur chaque maillon de bout en bout.

À titre illustratif, lors d’une intervention Redesign to Cost pour un client retail, nous avons conçu des cartons un peu moins solides, répondant toutefois au cahier des charges, et avec des matériaux recyclés à base de fibres assemblées, en supprimant, dans une démarche green, le polyéthylène non nécessaire. Ce client a pu réduire d’un tiers le coût des emballages. En outre, ces cartons restent capables de faire deux voyages, voire plus, et sont désormais réutilisés pour la distribution du dernier kilomètre, alors qu’ils étaient auparavant détruits, ce qui en fait donc une autre source d’économie.

Nous avons également travaillé sur l’augmentation de la densité des palettes aériennes, afin de faire transiter le même nombre de produits dans 9 palettes, au lieu de 10. Cela s’est fait en parallèle d’un transfert de certains volumes aériens vers le maritime, et l’impact économique d’un accroissement de densité s’applique uniquement aux produits dont la densité est inférieure à 167 kg/m3

  1. Pour aller plus loin, il est également possible de repenser complètement certains business models de distribution, afin de les reconcevoir en intégrant le green comme une opportunité d’amélioration des coûts et des délais perçus.

Les consommateurs qui voyageaient beaucoup le font moins et le feront moins encore dans les prochains mois, ce qui renforcera les ventes locales (c’est à dire hors Europe). Dans ce contexte, et pour toutes ces raisons, il est naturel que les régions prennent davantage la main sur le pilotage des stocks. Nous assistons donc à un changement de paradigme au niveau de la distribution, car le stock régional permet de réagir plus vite face aux changements de trends et donc d’écourter le délai perçu par le client B2B, ou le client final B2C.

Nous avons en réalité imaginé un nouveau business model de distribution assez simple consistant à déplacer massivement du stock central vers les grandes régions avec un triple objectif :

  • Une proportion de transport en bateau, donc d’avantage green
  • Un délai réduit perçu par les clients (B2B ou B2C), car basé sur la réactivité d’un stock local
  • Des coûts d’ensemble réduits

Les produits choisis sont en priorité des produits permanents plutôt que saisonniers ; il peut même arriver que pour une même référence, certaines quantités soient envoyées en bateau, d’autres en avion. En effet, souvent la sélection des références candidates pour le transport en bateau ne concerne qu’une fraction des produits (5%-10%), et nécessite des algorithmes plus poussés (IA).

La stratégie RSE implique de maîtriser la data afin d’optimiser les processus de bout en bout. Grâce aux outils logiciels d’optimisation, de planification, et maintenant de prévision avec l’IA ; les chaînes logistiques ont les moyens de repenser leur organisation à la fois dans un souci de réduction de l’empreinte carbone et d’amélioration de leur rentabilité, le tout avec un délai perçu amélioré.

  1. Enfin, l’intégration du green au niveau produit peut se traduire par des économies de matière, d’énergie : c’est l’économie circulaire, en très rapide :
  • On peut ré-utiliser des restes de tissu de collections précédentes
  • On peut redesigner de nouveaux produits sur base d’anciens stocks, transformer des sneakers hautes en sneakers basses…
  • On peut entretenir un marché de la seconde vie ou seconde main, comme le fait Vestiaire Collective en relation intelligente avec les Marques qui certifient les produits

Il est nécessaire d’intégrer les nouvelles contraintes (pénuries, transport, green) dès le démarrage de la réflexion et co-construire les solutions end to end avec le client en s’appuyant à la fois sur des recettes simples et éprouvées comme la communication entre les forces vives au sein de l’entreprise et avec les fournisseurs tout en intégrant le potentiel lié aux nouvelles technologies qui accélèrent et structurent les flux. Elles rendent aussi possibles, de nouvelles offres de service qui ajoutent de la valeur pour le client final.

Au cœur de la culture de TNP, cette démarche de partenariats technologiques s’impose aujourd’hui comme la réponse la plus pertinente face au défi de la mise en œuvre de la CSRD et, en arrière-plan, à celui du changement climatique.