Un changement de modèle énergétique

Un article de Régis le Drezen, délégué général, Think Smartgrids paru dans le livre blanc « Comment accélérer la transition énergétique ? »

Think Smartgrids est une association professionnelle crée en 2015 à l’initiative de l’État, qui regroupe les entreprises concernées par la filière des Réseaux Électriques Intelligents (REI). Son objectif est de développer la filière et valoriser les solutions des membres en France, et de la faire rayonner à l’international. Il s’agit notamment de solutions digitales en faveur de la transition énergétique au bénéfice du consommateur final et des territoires.
Think Smartgrids a pour mission d’aider la filière à prendre sa place parmi les plus grands acteurs mondiaux, sur un marché global estimé à 60 milliards d’euros par an en France d’ici 2030 et plusieurs centaines de milliards dans le monde.

Il existe trois types d’entreprises énergétiques : les producteurs, les fournisseurs, les distributeurs.

L’électrification des usages

La transition énergétique repose d’abord sur l’électrification des usages (transport, processus industriels, chauffage résidentiel…) afin de bannir les énergies fossiles. Cette tendance va entrainer un accroissement massif de la production d’électricité. C’est dans ce contexte que certaines entreprises comme TotalEnergies se tournent progressivement vers d’autres énergies.

La première priorité concerne la production d’énergie décarbonée nucléaire et les énergies renouvelables. En effet, la France doit déployer ces deux pôles complémentaires que sont le nucléaire et les énergies renouvelables.

La deuxième priorité vise à placer l’innovation au cœur des processus et à disposer de profils en rupture avec les canons habituels. Les entreprises qui réussiront seront celles qui auront placé l’innovation au cœur de leur action. Dans le cas contraire, elles seront en risque.

Le temps long est révolu. Les constats alarmants du GIEC confirment que nous sommes dans le temps court.

Les nouveaux modèles des énergéticiens

Les énergéticiens connaissent un changement de paradigme et de modèle économique. Le client final souhaite consommer de l’électricité bas carbone et à proximité. Jusqu’à présent, les fournisseurs d’énergie étaient habitués à utiliser l’énergie bon marché et à maximiser l’utilisation de l’électricité la nuit, au moment où les usages sont moins importants.

Or, la croissance des énergies renouvelables décentralisées sera très forte au cours des prochaines années. Ces énergies représentent actuellement environ 30 GW. Elles pourraient passer de 100 à 200 GW d’ici à 20 ans.

Les fournisseurs d’énergie doivent se projeter dans un monde où la production d’électricité est importante le jour et moins forte la nuit. Ils devront de facto être innovants dans les offres proposées à leurs clients.

Le nouveau modèle d’autoconsommation collective repose sur des flux d’électricité provenant des particuliers. L’auto- consommation collective va modifier les flux d’électricité. Comment les fournisseurs d’énergie vont-ils intégrer l’auto- consommation des particuliers dans leur offre ?

Le rattachement de la consommation électrique à de nouveaux contrats d’usage modifie profondément le modèle des énergéticiens. Par exemple, l’arrivée massive des véhicules électriques pourrait entraîner le déploiement d’offres incluant la consommation d’électricité au contrat de leasing. Les fournisseurs d’énergie doivent se réinventer.

Les réseaux électriques

Les réseaux électriques ne présentent pas un sujet d’intérêt majeur pour les consommateurs. Il est pourtant nécessaire de les replacer au cœur des débats. Car sans réseaux électriques, il n’existe pas de transition énergétique.

Or, les réseaux électriques actuels n’ont pas été conçus pour accepter des flux d’énergies renouvelables décentralisées. Il sera donc nécessaire de tirer des câbles et de déployer des transformateurs pour assurer la transition énergétique et pour raccorder les énergies renouvelables.

Il faudra également des bornes de recharge électrique pour alimenter les 15 à 20 millions de véhicules élec- triques attendus en France en 2035. C’est la raison pour laquelle le réseau électrique est au cœur du changement de paradigme.

La souveraineté industrielle

Tous les pays européens ont besoin de câbles, de transformateurs, de systèmes électriques. Comment peut-on les fabriquer en Europe ? Comment se réinventer et avoir des leaders européens dans le domaine de la transition énergétique ?

Il s’agit d’un sujet de souveraineté industrielle essentiel pour notre avenir.

L’inertie des systèmes électriques

Actuellement, pour éviter le « blackout », le gestionnaire du réseau RTE a la possibilité de solliciter d’autres sources d’approvisionnement électrique lui permettant de pallier les défauts. Or, les énergies renouvelables n’ont pas cette capacité.

Il faut donc répondre à un double défi : celui de la transition climatique et celui de la diminution de l’inertie des systèmes électriques.

Il convient d’être innovant sur le plan technique et sur le plan humain (changement de mode et de rythme de travail ; plus grande disponibilité des ressources…). Compte tenu de la vitesse des changements, le déploiement du réseau se fera probablement à marche forcée. Il doit être accompagné de capteurs et de processus numériques pour optimiser les flux d’électrons. Les entreprises de réseaux électriques doivent également prendre le virage de la donnée.

Les solutions innovantes

Pour mesurer ce qui se passe, le réseau français dispose d’une avance grâce aux nouveaux compteurs Linky déployés chez 35 millions de particuliers. Mais la France est en retard dans le déploiement des énergies renouvelables. Elle doit mettre en place rapidement des solutions innovantes, comme le raccordement innovant au réseau pour relier au plus vite et au moins cher les parcs de production électrique.

Il existe des systèmes comme « Smart charge » qui gèrent le pilotage de la recharge des véhicules électriques lorsque l’électricité coûte moins chère. Il faudra utiliser ces technologies de manière dynamique afin d’être capable de procéder à la recharge de batteries au moment le plus judicieux.

D’une façon générale, il faut permettre au système électrique de devenir plus flexible car il y aura davantage d’énergie renouvelable et le pilotage de la consommation devient donc clé. Les gestionnaires de réseaux deviennent des gestionnaires de systèmes.

06 juin 2023