Une décarbonation accélérée de l’économie marocaine permettra l’émergence de nouvelles filières

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Un article de Younes Ait Benothman, associate banker en charge du secteur énergie, Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD), paru dans le livre blanc « Transition énergétique et climatique : quelles stratégies innovantes et quel financement ? « 

 

La banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a été fondée en 1991 et présente au Maroc depuis 2012. Le terrain d’action de la BERD s’étend dans près de 38 pays avec des opérations allant du Sud et de l’Est de la Méditerranée, à l’Europe centrale et orientale et l’Asie centrale.

Les projets financés poursuivent un objectif clair : faire avancer la transition vers des économies de marché ouvertes, tout en favorisant une croissance durable et inclusive. La BERD s’appuie sur son expertise de bailleur de fonds international pour anticiper les besoins de demain et accompagner les entreprises dans leur transition en leur proposant des solutions financières adaptées.

En 2021, 51% des investissements de la BERD au Maroc sont destinés au financement vert. Depuis 2012, la BERD a investi au Maroc plus de 3Mds d’euros d’investissements dont 830M d’euros d’investissements en faveur de l’économie verte. Cela a fortement contribué à la réduction de l’empreinte carbone des entreprises financée par la BERD (730000 tonnes de CO2 par an).

 

Programmes et projets d’investissements

La BERD a été pionnière dans le financement de l’efficacité énergétique au Maroc notamment via le programme MorSEFF lancé en 2015, en partenariat avec l’UE et d’autres institutions internationales de développement. Sur le même sillage, la BERD a lancé deux nouveaux programmes dédiés au financement vert dont notamment le programme Green Value Chain lancé en 2019, d’une enveloppe de 90M d’euros de financement et le programme GEFF II (Green Economy Financing Facility) lancé en 2021, avec une enveloppe totale de 163M d’euros. GEFF II (Green Economy Financing Facility) est la troisième génération des produits verts lancée par la BERD au Maroc, avec le soutien de l’Union européenne et du Fonds vert pour le climat. Cette ligne de financement est spécialement dédiée aux entreprises marocaines avec pour objectif d’assurer le financement des investissements dans le domaine de l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables à petite échelle, la conservation de l’eau, la réduction des déchets, les technologies vertes ainsi que l’adaptation au changement climatique. Ces programmes (Morseff, GVC et GEFF) ont permis le financement de 343 projets (dont 50% sont des PME) et une réduction des émissions de CO2 estimée à plus de 120000 tonnes par an.

La BERD finance aussi directement des entreprises porteuses des projets d’investissement vert. Nous venons par exemple de financer Dolidol pour 110 M de dirhams pour la construction, sur son site, à Casablanca d’une nouvelle usine de recyclage destinée à transformer les bouteilles en plastique usagées en fibres de polyester pour ces intrants. Cela va se traduire par une réduction de 11 000 tonnes de CO2 par an.

Nous avons également financé de grands projets renouvelables, tels que la ferme éolienne de Khalladi, et comptons demeurer un acteur majeur du financement de ce genre de projet, pour lequel le Maroc dispose d’un immense potentiel.

 

Les engagements de la BERD

Les projets financés par la BERD permettent de favoriser l’indépendance énergétique du Maroc, notamment quant aux énergies renouvelables, d’alléger le déficit budgétaire de l’État marocain, de décarboner l’industrie marocaine en réduisant les émissions de carbone, mais surtout d’augmenter la compétitivité du secteur industriel liée à la réduction de la facture énergétique des entreprises. À terme, le Maroc bénéficierait d’atouts supplémentaires pour se positionner comme une destination de choix pour les investisseurs internationaux. Une décarbonation accélérée de l’économie marocaine permettra l’émergence de nouvelles filières telles que l’hydrogène vert, la mobilité électrique et boosterait la création d’emplois, dont le potentiel est estimé à 83000 nouveaux emplois permanents dès 2030.

 

 Les principaux défis à relever pour réussir la transition énergétique

Le Maroc a une stratégie très ambitieuse en termes de transition énergétique dans le cadre des contributions déterminées au niveau national. Par ailleurs, le besoin d’investissement vers une économie verte est estimé à 74 Mds de dirhams par an. Le constat qui est fait est que plus de 70% de ce financement est mobilisé par le secteur public et que la contribution du secteur privé reste tout de même modeste. Le secteur privé doit donc porter la transition énergétique. Un changement de dogme de « Nice to have » à « Must to have » doit être opéré et les industriels doivent aujourd’hui prendre conscience de l’enjeu de la décarbonation de l’économie et des retombées qui peuvent découler de l’investissement vert.

Les industriels marocains sont appelés à accélérer cette transition en mettant en place des stratégies de décarbonation à court et à moyen-long terme et ce, d’abord en éliminant l’énergie qu’ils ne consomment pas. C’est tout l’enjeu de l’efficacité énergétique qui constitue la première source potentielle de réductions des émissions CO2 et qui est relativement facile et rapide à mettre en place. Ceci permettrait aux industriels d’avoir une production basse en carbone. Dans un second temps, les industriels peuvent explorer la possibilité de consommer une énergie provenant de sources renouvelables, soit par l’installation de panneaux solaires sur les toitures ou même l’achat d’électricité provenant de sources renouvelables directement chez des développeurs privés dans le cadre de la loi 13-09. Les projets d’installation de panneaux photovoltaïques pourraient être un excellent investissement car le retour sur investissement se verra au bout de 5-10 ans et l’énergie devient « gratuite » avec seulement des coûts de maintenance.

L’économie d’aujourd’hui avance très vite et il faut que la transition énergétique accélère au même rythme. Pour cela, il faut agir vite et industrialiser les modes et accès aux financements et mettre en place les outils nécessaires pour que les banques et entreprises trouvent leur compte.