Interview // Benoit RANINI, président, TNP

23 juillet 2021

La crise du Covid-19 fonctionne comme un catalyseur de la prise de conscience environnementale. Le fonctionnement économique, politique et social de notre planète est dans une impasse. Le danger du dérèglement climatique nous impose de changer nos modes de vie, de consommation, de déplacement et de production.

Ce changement de paradigme est une opportunité. Les entreprises consomment les deux-tiers de l’énergie mondialement produite, qui elle-même contribue à 40 % des missions de CO2. La priorité doit être la réduction de la consommation d’énergie et d’émission de carbone, sans basculer dans la décroissance qui serait synonyme de paupérisation et de montée de la violence.

Chacun connait les échéances courtes de 2030 et 2050. Nous devons accélérer la mise en œuvre des leviers d’action et l’atteinte des résultats. Cette voie passe par l’introduction d’un prix du carbone dans les normes comptables et dans la valorisation des actifs. Le signal par le prix, incarné par la taxe carbone, est le plus puissant et le plus universel. En outre, l’annonce d’une trajectoire de long terme permet d’intégrer la contrainte environnementale dans les décisions des entreprises et des investisseurs.

Cependant, même si elle est désormais indispensable, la décarbonation n’est pas suffisante. L’entreprise doit profiter de cette opportunité pour réviser son « business model », créer de nouveaux produits et développer de nouveaux services.

UN « BUSINESS MODEL » NEUTRE EN CARBONE

L’entreprise doit s’assurer que son « business model » respecte une consommation limitée de ressources. Or, la société d’hyper consommation a poussé les citoyens à être propriétaires d’un grand nombre de biens, dont ils se servent relativement peu. L’exemple des voitures qui stationnent l’essentiel du temps sur un parking est éloquent. In fine, la société produit un gigantesque volume de biens matériels, qui ponctionnent une grande quantité de ressources et sont peu utilisés.

Chaque entreprise doit concevoir des produits et des services avec une haute densité d’usage afin de permettre à un plus grand nombre de clients d’en bénéficier, tout en évitant la fabrication de masse et l’exploitation intensive des ressources rares.

Le « business model » de l’entreprise doit inclure le partage de ses actifs non stratégiques. Ce mouvement a commencé dans la mobilité, avec les concepts de partage et de location de véhicules. Il se développe dans l’immobilier de bureaux, qui doit se réinventer après le choc de la crise sanitaire et la massification du télétravail. Par exemple, en utilisant les locaux sous-occupés pour d’autres usages, événementiels, lieux de rencontre, lieux de restauration… Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, les entreprises doivent collaborer pour optimiser et mieux amortir leurs matériels – grues, plateformes, chariots élévateurs, tractopelles…

L’entreprise doit également faire évoluer son « business model » en intégrant une logique de remise en circulation des produits usagers dans le cycle économique. Elle doit développer la réparation, la seconde main et le recyclage pour offrir une seconde vie à ses produits. Par exemple, dans le secteur de l’habillement, de l’ameublement, de l’horlogerie…

Enfin, la « servicisation » des produits s’accroît. Les consommateurs achètent moins de biens matériels et paient davantage leur usage. Cette évolution oblige l’entreprise à repenser non seulement son modèle économique, mais également son modèle de service et sa relation avec

les clients. Or, les apports technologiques, tels le digital et l’intelligence artificielle, permettent de bâtir des modèles prédictifs en apportant aux clients de nouveaux services et davantage de personnalisation des offres.

UNE REMISE A PLAT DE LA RELATION EMPLOYES-EMPLOYEURS

La démotivation des collaborateurs, la distanciation entre employés et employeurs, ainsi que la perte de sens sont des problèmes majeurs. Trop d’entreprises font face à une dilution de la compréhension du rôle de chaque salarié dans le dispositif global.

La révolution en cours est l’opportunité de repenser le sens du travail et de faire évoluer la relation entre employés et employeurs. L’entreprise doit redonner de l’envie, de la fierté et de l’énergie dans la relation avec ses salariés. Elle doit repenser son modèle managérial. Elle doit expliquer sa raison d’être, c’est-à-dire sa contribution au bien commun de la société. C’est la condition de durabilité de son activité à une époque où chacun, avant d’acheter, d’investir ou de travailler, veut être rassuré sur l’impact environnemental, économique et social de ses choix.

En premier lieu, il convient de créer des structures à taille humaine, avec un management qui explique aux collaborateurs l’utilité de leur action, qui valorise leurs succès, qui réponde à leurs difficultés et aux enjeux de leur mission. L’entreprise doit rendre ses managers plus performants, avec un nouveau système de mesure de la performance et de bonification.

En second lieu, la relation entre les salariés et les employeurs doit tendre vers une plus grande décentralisation de la responsabilité de chaque collaborateur, avec un meilleur équilibre entre présence physique au bureau et travail à distance. L’entreprise doit développer l’autonomie, la créativité, la capacité à innover, avec une organisation du travail plus agile et plus performante.

L’interviewé

BENOIT RANINI
PRESIDENT

TNP

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