La logistique urbaine : beaucoup d’espoir mais encore un long chemin à parcourir

Logistique IAB

Un article de Antony BOILEAU, directeur associé, TNP, paru dans le livre blanc « Les défis de la supply chain » 

 

Les flux logistiques urbains explosent et ce n’est pas fini

Une frénésie s’empare du commerce et de la logistique urbaine. Croissance de la population urbaine, concentration des créations d’emplois dans les grandes métropoles et évolutions des pratiques et besoins – notamment depuis la crise sanitaire – dopent les flux de marchandises pour approvisionner en ville entreprises et consommateurs. Selon les prévisions, les acteurs de la logistique urbaine devront absorber des flux croissants dans les cinq ans à venir, tant pour les livraisons de colis du e-commerce (BtoC, CtoC) que pour le transport de marchandises entre entreprises (BtoB). La logistique urbaine est complètement liée à la livraison du dernier kilomètre. Elle coûte très chère. C’est l’étape la plus courte dans la chaîne de transport, elle est aussi la plus coûteuse car la parcellisation des flux rend la réalisation d’économies d’échelle plus difficile. Le coût du denier kilomètre est généralement chiffré entre 20% et 25% de la chaîne logistique qui, de plus, est fortement conditionnée à la croissance des flux de colis et du e-commerce. Le e-commerce est un facteur multiplicateur de la logistique urbaine. Les volumes vont exploser. Le e-commerce BtoC et CtoC va franchir un nouveau cap et stimuler la distribution de colis. Les ventes de biens en ligne ont en effet augmenté de près de 30% en valeur en 2020 et cette hausse s’est confirmée au 1er semestre 2021.

Les flux inter-entreprises (BtoB) vont croître également ces prochaines années alors qu’ils représentent une vaste part d’activité. Le chiffre d’affaires du e-commerce croit de 10% tous les ans, +30% en 2020 par rapport à 2019. Il prend une place prépondérante dans les achats de produits de grande consommation. En effet plus de 50% des achats de produits d’habillement et des produits culturels passe par le e-commerce et plus de 30% pour l’alimentaire, les jouets, les produits électroniques.

 

L’émergence de nouveaux services de livraison vont contribuer à son essor

Les nouveaux services comme, la multiplication des options de livraisons, le raccourcissement des délais de livraison, l’optimisation de la politique des frais de port, la facilitation des retours et les incitations des enseignes, etc… favorisent grandement l’accélération du nombre de kilomètres parcourus.

Comment faire face à la pression sur les prix, sur les coûts et sur les marges ? Il réside, en effet, une équation insoluble dans la recherche de rentabilité de la logistique du dernier kilomètre. De nombreux facteurs font pression sur les coûts et les prix : la complexité opérationnelle, la saturation des capacités, la forte concurrence entre acteurs et la pénurie croissante de main-d’œuvre. Le coût des investissements nécessaires dans l’immobilier urbain est évidemment un autre facteur conséquent de la dégradation de la rentabilité. Cela est sans compter les autres impacts fortement négatifs.

En effet, plus largement, on remarquera que la congestion des centres urbains, les conditions de travail des salariés des nouveaux modes de transport (cargo bike) ainsi que la sécurité des marchandises et des personnels agissent comme des freins au développement de la logistique urbaine.

 

Notre point de vue

Pour assurer sa croissance « rentable », la logistique urbaine devra rapidement se doter d’accélérateurs pour accroître son efficacité intrinsèque et se placer ainsi dans un écosystème vertueux. Pour réussir, il lui faudra, en effet, se développer grâce à cinq programmes d’investissements fondamentaux.

Le premier consistera à s’engager dans le digital et l’innovation comme la robotisation des tâches, l’utilisation des drones, l’exploitation par IA et la traçabilité au travers de la blockchain.

La logistique urbaine devra également favoriser la massification et la mutualisation des capacités de transport et des infrastructures. Les chargeurs devront progressivement réussir à mettre en commun leurs moyens. Les rôles des villes, comme l’exemple de Londres avec son péage ou Paris avec les gares (surface de stockage dédiée), permettront de réguler et d’organiser les flux entrants/sortants

Le troisième investissement viendra par la multiplication des solutions d’entreposage comme les hôtels logistiques et entrepôts urbains, magasins devenant des points de picking, entrepôts mobiles (vans, barges fluviales, etc.), etc… Le trans[1]port étant congestionné, il faudra aussi développer des solutions alternatives (fluvial, ferroviaire en amont,). Enfin, les pouvoirs publics devront continuer à s’engager à financer des infrastructures et des aménagements urbains adaptés pour favoriser le développement de la logistique du dernier kilomètre.

Tout cela se traduira nécessairement par des investissements lourds et conséquents. Il faudra naturellement faire cohabiter et gérer la transition avec la « logistique urbaine actuelle traditionnelle » tout en réussissant à maintenir un impact carbone négatif malgré la démultiplication des volumes et des trafics.

Toute la filière logistique (chargeur, transporteur, immobilier, …) devra donc se mobiliser et lancer des initiatives, à son échelle, pour s’engager dans cette voie et ainsi transformer la ville de demain.

15 février 2022

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