La supply chain s’invite à l’agenda des CEO

Jesel

Un article de Hubert JESEL, directeur associé, TNPparu dans le livre blanc « Les défis de la supply chain » 

Le contexte dans lequel s’inscrit l’activité des entreprises est d’une complexité exponentiellement croissante:

  • foisonnement de l’offre produit ;
  • exigence de délais extrêmement courts pour la livraison ;
  • complexité de l’expression du besoin à capter à travers des parcours clients de plus en plus fins ;
  • accélération du rythme du e-commerce qui remet en question la productivité de certains points de vente du réseau brick&mortar ;
  • difficultés liées au sourcing compte tenu de la pénurie au moins conjoncturelle de matières premières en cette époque Covid ;
  • désorganisation du transport, en particulier maritime, qui affecte tous les approvisionnements en provenance d’Asie et de Chine: capacité, délais, coûts… ;
  • volonté de rendre les activités davantage green : matériaux, production, transport…

 

Pour toutes ces raisons, les sujets supply chain sont devenus encore plus stratégiques et doivent s’inviter à l’agenda du CEO.

La direction supply chain ne voit pas toujours les enjeux business car la complexité est énorme et les conséquences sont multiples : disponibilité produit, coût… Il faut donc qu’elle travaille avec toutes les composantes de l’entreprise.

Travailler les gammes et les prévisions des ventes avec les équipes produit

Si le référentiel produit se simplifie, l’offre sera plus concentrée et la prévision des ventes sera de meilleure qualité. Nécessité donc de veiller à ce que la supply chain et le Marketing produit travaillent ensemble sur les gammes pour :

  • anticiper la cannibalisation des nouveaux produits avec les gammes existantes ;
  • anticiper les fins de vie afin de limiter les phénomènes d’obsolescence.

La complexité des parcours clients fait qu’il est intéressant de perfectionner le calcul de la prévision du besoin, soit pour planifier les quantités produites, soit pour optimiser la planification du transport à moindre coût. L’aide de data scientists peut s’avérer précieuse pour améliorer les résultats.

Sans une planification aboutie, le produit serait soit moins disponible, soit tout autant mais moyennant un coût beaucoup plus élevé.

 

Travailler la disponibilité des composants avec le sourcing

Dans ces temps où l’approvisionnement en matières premières est particulièrement tendu, et la désorganisation du transport manifeste, la supply chain doit travailler avec le sourcing (achats) pour améliorer la disponibilité des composants.

Citons quelques leviers utiles de sécurisation à pondérer selon les contextes :

Revisiter son panel de fournisseurs et :

-élargir l’assiette une fois les fournisseurs qualifiés par la R&D et les Méthodes via un cahier des charges technique et logistique précis

– renforcer les relations avec les fournisseurs actuels performants (stratégie preferred) ;

– interrompre les relations sur l’autel des performances non atteintes.

Transmettre au sourcing et aux fournisseurs la vision prévisionnelle du besoin sur un horizon moyen- long terme.

Ajuster avec ses fournisseurs preferred le rythme des approvisionnements et les conditions de paiement pour sécuriser la disponibilité produit.

Renforcer si possible son sourcing en Europe pour limiter les aléas liés au transport, particulièrement le maritime depuis l’Asie.

 

Travailler sur la flexibilité des moyens de production

Face à la complexité du besoin, la flexibilité de l’outil de production est un vrai levier différenciant à mettre en œuvre entre supply chain et production :

– Travail sur les flux physiques : ilots autonomes, mise en ligne, mutualisation des machines. Réduction des goulots, des tailles de lots, polyvalence, temps de paramétrage des machines. Plans de progrès chez les sous-traitants.

-Réduction des tâches administratives… Trouver le bon operating model de production permet d’atteindre le compromis intéressant entre productivité et flexibilité. Il permet de réduire globalement les temps d’attente en production, et d’améliorer la réactivité et la disponibilité produit

 

Organiser et planifier le transport de manière efficace

Pour organiser le transport, il est nécessaire de planifier la distribution pour sécuriser les capacités, ce qui réduira les coûts en limitant les tarifs spots. Les leviers suivants pourront être activés :

– Travailler sur des plans de transport précis et des engagements sur le long terme pour sécuriser le court terme.

– Fournir de bonnes prévisions de charge à ses fournisseurs de transport, tout en suivant leur performance.

-Établir des contacts réguliers avec le management basés sur l’analyse du tableau de bord de la performance logistique.

– Faire évoluer si besoin l’operating model de distribution pour intégrer les contraintes liées au green. Par exemple, davantage de maritime au service d’une régionalisation des stocks.

 

Travailler avec les équipes commerciales sur les priorités en production et sur l’évolution du réseau

Le premier point est de travailler le niveau d’assortiment retail avec les équipes commerciales en cohérence avec la taille du réseau, l’espace physique disponible dans le point de vente et le cycle de vie des produits. Il faut également intégrer la forte progression du e-commerce, assainir son réseau, revoir ses conditions commerciales et concentrer ses produits là où ils se vendent. L’impact sur les coûts de distribution sera significatif. Prioriser les best-sellers en production : Dans ces circonstances, la supply chain d’un point de vue production doit travailler avec la direction commerciale pour :

– utiliser au mieux ses capacités et favoriser la mise à disposition de best-sellers garantissant le chiffre d’affaires ;

– prioriser les produits par canal ou par client et limiter l’insatisfaction globale.

Répartir la pénurie pour optimiser le CA et annoncer au réseau les livraisons futures (quotas), les directions supply chain et commerciales doivent transformer les mauvaises surprises (non annoncées) en mauvaises nouvelles et montrer ainsi qu’elles ont une certaine maîtrise de la situation.

Chaque fois que nos clients envisagent les sujets supply chain sans grande transversalité, les améliorations ne sont que partielles. Pour réussir sur la disponibilité produit au-delà de l’optimisation des flux, il faut embarquer beaucoup d’autres problématiques : l’offre produit, les assortiments, le réseau, le sourcing…

En aucun cas, ces problématiques ne peuvent être résolues par des supply chain trop logisticiennes ou techniciennes, certes bien outillées, mais peu capables de prendre le recul nécessaire pour adresser la réalité business de l’entreprise. La DG doit mobiliser sa supply chain pour rendre les approches transverses et efficaces afin d’assurer à l’entreprise des coûts maîtrisés et une cohérence globale d’ensemble à travers les prismes produit, réseau, et opérations. La supply chain doit de son côté, communiquer de manière assez synthétique à l’ensemble de l’entreprise via un langage simple parlant à tous les métiers.

15 février 2022

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