Les approches green sont compatibles avec la réduction des coûts et des délais

IAB Come

Un article de Côme de SORAS, manager, TNP, Marion MALACAN, manager, TNP, Amnai HANDAINE, consultant senior, TNP, Lou DELARBRE, consultante, TNP Lancelot MAUNY, consultant senior, TNP, paru dans le livre blanc « Les défis de la supply chain » 

 

La prise de conscience généralisée et les évolutions réglementaires ont poussé les entreprises à prendre très au sérieux les sujets RSE en particulier liés à l’environnement. Du côté des clients, 70% d’entre eux, au-delà de l’intérêt qu’ils peuvent avoir pour les produits de ces entreprises, se préoccupent des valeurs que ces dernières véhiculent et se laissent volontiers influencer dans leur décision d’achat. En effet, ils attendent une transparence totale sur le sourcing, le mode de fabrication, le transport. Rendre la supply chain plus vertueuse d’un point de vue environnemental est donc un enjeu essentiel pour les Directions Générales.

Aussi bon nombre d’actions ont été conduites pour rendre la supply chain plus VERT…ueuse. Nous avons, pour le compte de certains de nos clients, ainsi œuvré pour réduire les émissions de carbone

Nous avons successivement travaillé à la massification des produits au sein des palettes, puis travaillé sur un nouveau carton, plus green et moins cher, comportant davantage de fibres recyclées.

 

Densification des palettes de produits

Notons d’un point de vue économique que dans le cadre du transport aérien, le coût du transport est fonction de ce qu’on appelle le poids volumique : pour tout carton dont la densité est supérieure à 167kg/m3, on paie en fonction du poids réel ; pour tout carton dont la densité est inférieure à 167kg/m3, on paie comme si le volume transporté était occupé par un produit de densité égale à 167kg/m3. Or nous avons tous déjà reçu ce grand colis dont les dimensions sont trois à quatre fois plus grandes que le produit acheté.

En plus de nécessiter plus de matière pour être fabriqué, un emballage surdimensionné induit des surcoûts de transport non négligeables : Augmentation du poids volumique des colis dans des cas de faible densité ; Transport d’un plus faible nombre de références dans un conteneur.

En 2021, TNP consultants a accompagné un de ses clients sur la transformation de ses processus de packing. Notre tactique a consisté à combiner une présence terrain avec plusieurs semaines d’immersion dans les entrepôts de distribution à une approche basée sur l’analyse de la data. Nos équipes ont ainsi pu co-construire avec notre client de nouveaux processus de packing, testés puis mis en œuvre opérationnellement par les opérateurs.

Les équipes ont tout d’abord travaillé sur le redimensionnement des emballages primaires (emballage dans lequel vient un produit qui n’a pas d’emballage ou d’écrin propre) et secondaires (emballages utilisés pour l’envoi contenant une ou plusieurs références). Optimiser la dimension des packagings a permis de réduire les espaces vides et d’augmenter le nombre de produit transporté à iso-volume. En choisissant des emballages primaires plus appropriés, il a été possible de densifier les emballages primaires.

Ensuite, nous avons travaillé à la saturation des cartons secondaires en augmentant au maximum la présence des produits (dans leur emballage primaire). Le lien entre la taille des commandes et la densité des cartons secondaires a été établi et c’est donc naturellement qu’un des premiers axes de travail a consisté à augmenter la taille des com[1]mandes en limitant toutes les sources de fragmentation de ces dernières. De nouveaux processus ont été ainsi définis pour accroître la saturation des cartons et certaines règles historiques de packing, dont la pertinence n’était plus d’actualité, ont été remises à plat.

L’ensemble de ces leviers a permis d’améliorer le taux de saturation des palettes d’environ 10% et comme par ailleurs la densité des cartons se situait fortement en dessous des 167kg/m3, tout volume gagné représentait un gain d’autant. On a ainsi pu transporter l’équivalent produit de 10 cartons secondaires dans 9 cartons secondaires. L’économie de transport s’est donc naturellement chiffrée à 10% du coût du transport. Les émissions de carbone ont, elles aussi, été réduites de 10% puisqu’en extrapolant, la même quantité de produits est transportée par 9 avions, là où il en fallait 10 auparavant

 

Redesign to cost & to green des cartons

Pour compléter cette approche de densification, nous sommes essentiellement intervenus sur le redesign to cost et redesign to green des emballages secondaires. Nous avons reconçu avec le client des cartons répondant toujours au cahier des charges technique mais sans sur-qualité comme dans le passé. Ce parti pris a permis d’inclure dans la composition des cartons, des fibres recyclées en proportion significative. Par ailleurs, la couche imperméable de polyéthylène n’avait plus sa raison d’être puisque les cartons n’étaient pas dans leur parcours soumis à des conditions météorologiques difficiles. Notre client a ainsi pu réduire d’un tiers le coût des emballages. En outre, ces cartons réceptionnés dans les entrepôts régionaux ne sont plus détruits comme par le passé, mais au contraire réutilisés pour la distribution vers les points de vente des distributeurs ou des magasins, ou bien dans le cadre de la distribution « du dernier kilomètre » vers les clients finaux du e-commerce.

Nous avons donc réussi à concilier performance financière et performance environnementale, sans aucune dégradation de la qualité des produits et des délais de livraison. Il est possible à présent d’optimiser conjointement, non seulement performance financière et environnementale mais aussi les lead times. Dans certains cas, ces trois objectifs sont conciliables, mais ce n’est pas toujours possible !

 

Ajustement d’un operating model de distribution

Nous allons proposer un operating model particulier s’appliquant à un certain nombre de produits et permettant de concilier trois objectifs différents :

  • Adapter le modèle de planification et réduire les délais apparents ;
  • Réduire les coûts (transport, stockage) ;
  • Réduire les émissions carbones.

Nous avons en réalité imaginé un nouveau business model de distribution assez simple consistant à déplacer massivement du stock central vers les grandes régions.

 De la pertinence d’avoir davantage de stock en région :

Le mode de pilotage des marques et du management projet a beaucoup évolué en entreprise. Avant 2015, on appliquait la devise « think global, act local » et on animait un programme central avec des variations locales. Depuis 2015, nous sommes sur une gestion régionale de projets (USA, EMEA, APAC, LATAM) adaptés aux cultures locales. Les régions ont assez grandi en maturité pour adapter le message des marques aux réalités locales avec un plus grand degré d’autonomie. On passe donc du contrôle et de l’obéissance à une gestion plus ouverte avec davantage d’enthousiasme.

Les consommateurs qui voyageaient beaucoup le font moins et le feront moins encore dans les prochains mois, ce qui renforcera les ventes locales (c’est à dire hors Europe). Dans ce contexte et pour toutes ces raisons, il est naturel que les régions prennent davantage la main sur le pilotage des stocks. Cela induit donc un changement de paradigme de distribution, car le stock régional permet de réagir plus vite face aux changements de trends et donc d’écourter le délai perçu par le client B2B ou le client final B2C. Nous avons donc envisagé un transfert maritime régulier de stock vers les régions.

Segmentation produit

Tous les produits ne sont pas nécessairement candidats à cet operating model décentralisé. On vise en priorité les produits à fort volume de vente, les produits permanents, carryovers, moins liés au rythme de lancement des collections, les sous-produits qui pourraient être assemblés régionalement… On imagine aussi, des produits relativement volumineux ou lourds. Dans le cas de produits très peu volumineux, à forte valeur ajoutée, la pertinence d’opérations logistiques en région peut être remise en cause avec ses multiples opérations de déchargement / tri / rechargement… et on peut favoriser la livraison directe au point de vente ou au client final dans le cas du e-commerce. L’empreinte carbone de tels produits est naturellement beaucoup plus réduite. La massification sera naturellement opérée par le prestataire logistique à travers son maillage et son réseau.

Prévisions renforcées par la data science

Pour rendre cela possible, nous avons dû nous appuyer sur des prévisions de vente fiabilisées grâce à des modèles dynamiques de prévision, issus de la data science, réduisant de 30% à 50% l’incertitude de prévision des modèles traditionnels basés sur l’analyse simple de l’historique. La partie transportée par sea-freight ne sera pas liée qu’à des références mais aussi à des quantités particulières pour ces références : par exemple, pour une référence donnée, 800 pièces en bateau, 200 pièces en avion.

Le bilan à tirer est assez édifiant et montre que le bénéfice est triple :

  • Des délais certes accrus par le transport maritime mais des délais perçus par le client nettement réduits grâce à la flexibilité d’une offre physiquement implantée dans les entrepôts régionaux ;
  • Un modèle + green avec réduction des émissions de carbone ;
  • Des coûts réduits grâce à un mode de transport plus économique ;
  • Une prévision et une planification « augmentées » utilisant la data science permettent en réalité un pilotage des flux beaucoup plus fin.

 

Tous les produits n’étant pas candidats à de telles optimisations, il s’agit en résumé de segmenter l’approche pour trouver les bons candidats parmi les produits, puis planifier le plus justement possible le transport en ayant recours à l’IA et la data science. À ces deux conditions on pourra envisager un operating model particulier qui soit win/win/win sur les 3 critères que sont les délais, les coûts et le green.

15 février 2022

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