Nous devons développer une filière européenne des batteries pour véhicules électriques 

IAB Yann

Un article de Yann Vincent, Chief executive officer, Automotive Cells Company (ACC), paru dans le livre blanc « Crise énergétique et climatique : quelles stratégies innovantes ? »

Au terme d’une transformation profonde et rapide, accentuée par une série de réglementations, le transport du futur devrait s’articuler autour de trois grandes tendances. D’abord, la mobilité individuelle restera une demande forte. Ensuite, elle devra être propre. Enfin, elle devra rester financièrement accessible.

La naissance d’ACC

La création d’ACC (Automotive Cells Company) résulte d’un constat établi par TotalEnergies et Stellantis. Au moment où la mobilité électrique prend son essor, les principales sources d’approvisionnement en matériels sont hors d’Europe. Les constructeurs européens ne peuvent pas recourir à des composants aussi majeurs que les batteries électriques quasi-exclusivement chinois. Ils doivent rééquilibrer leurs approvisionnements et sécuriser la fabrication de ces équipements en Europe.

Tous les constructeurs européens considèrent qu’au moins 70% du marché automobile devrait être électrifié en 2030. Cette tendance est la conséquence de la réglementation européenne en matière de baisse des émissions de gaz carbonique. Les constructeurs devront fabriquer de plus en plus de véhicules électriques et, de ce fait, ont commencé à diminuer les investissements dans les véhicules thermiques.

ACC a pour ambition de devenir le leader européen des batteries automobiles permettant une mobilité propre et efficace pour tous. L’un des enjeux d’ACC concerne l’ingénierie. L’entreprise doit être en capacité de concevoir des cellules avec les meilleures performances et un coût compétitif, tout en industrialisant la fabrication. Le démarrage de la production des batteries par ACC est prévu fin 2023.

 

Les constructeurs chinois

En 2006, l’État chinois a pris acte du retard de la Chine dans les moteurs thermiques. La Chine a alors décidé de sauter une génération technologique et de concentrer ses investissements sur les véhicules électriques. De nombreux acteurs chinois ont accompagné ce mouvement et ont créé un écosystème performant. À titre d’exemple, le plus important fournisseur de batteries au monde est chinois.

La provenance des biens d’équipement automobiles de Chine et de Corée du sud, pour l’essentiel, représente un risque pour les constructeurs européens. De plus, les fournisseurs chinois ont une expérience limitée de l’exportation, en particulier de l’adaptation aux normes européennes et de la gestion logistique. Par ailleurs, la taille des équipementiers chinois ne correspond pas à la demande exponentielle du marché automobile mondial, ce qui pourrait les amener à privilégier les constructeurs chinois.

La question est donc posée de la capacité de l’Europe à rattraper son retard. La première condition de ce rattrapage est le développement urgent d’une filière européenne des batteries pour véhicules électriques. Une filière capable de maîtriser l’ensemble du cycle de vie de ces batteries, depuis l’approvisionnement en matériaux jusqu’au recyclage des batteries en fin de vie, en passant par les biens d’équipement nécessaires à la production de ces batteries. ACC se veut l’un des fers de lance de cette filière européenne naissante.

 

La réaction du marché

L’un des enjeux de l’électrification rapide du parc automobile concerne la manière dont les consommateurs vont réagir. En 2019, 17 millions de véhicules – essentiellement thermiques – ont été vendus en Europe. Les consommateurs vont-ils basculer vers les véhicules électriques au cours des prochaines années ?

Il existe deux obstacles majeurs à ce basculement. D’abord, les infrastructures de recharge des batteries électriques ne sont pas encore déployées à grande échelle. Ensuite, la différence de prix entre les véhicules thermiques et les véhicules électriques est encore importante et les subventions pourraient être retirées au fil du temps.

En admettant que le marché automobile ne décroche pas, la mise en service d’un volume de 17 millions de véhicules électriques en Europe correspondrait à une consommation de 960 gigawattheures. Or, la capacité industrielle en Europe est actuellement de 50 gigawattheures. La transition énergétique en Europe aura un coût très élevé.

Enfin, les approvisionnements nécessaires à la fabrication de batteries – en particulier le lithium, le nickel, le graphite – risquent d’être tendus. La sécurisation des approvisionnements en matières premières d’ACC a été renforcée par une coopération avec les constructeurs et avec les chimistes. Cependant, il est important pour un acteur comme ACC de prendre en compte les exigences environnementales et de tracer toute la chaîne d’approvisionnement, de fabrication et de suivi des batteries. La blockchain peut être un moyen de satisfaire cette exigence.

15 avril 2022

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