Transports : un nouveau stockage de l’hydrogène pourrait changer la donne

20 décembre 2022

Aujourd’hui en France : 31 % des émissions de gaz à effet de serre sont dues au secteur du transport. Si l’hydrogène apparaît comme une option sérieusement envisagée dans la décarbonation des transports, une nouvelle forme de stockage de l’hydrogène aurait un rôle considérable à jouer.

Tribune de Pierre-Emmanuel Guilhemsans-Vendé, Consultant R&D chez TNP Consultants.

Cet article a été publié dans Environnement Magazine 

Afin d’espérer limiter le réchauffement climatique planétaire à +2°C d’ici 2050, il devient urgent d’identifier des solutions alternatives peu carbonées aux énergies fossiles dont l’économie mondiale dépend aujourd’hui à plus de 80 %. Le transport est particulièrement concerné puisque 31 % des émissions de gaz à effet de la France sont dues à ce seul secteur.

  • En matière de transports, la transition vers l’hydrogène est en marche avec des objectifs clairement affichés :
  • Faire circuler 250 trains à hydrogène d’ici 2035 du côté de la SNCF
  • Commercialiser dans les mêmes délais les premiers avions de ligne à l’hydrogène chez Airbus
  • S’associer au 1er navire hydrogène au monde Energy Observer pour CMA-CGM

Pour autant, l’hydrogène apporte une réponse à la décarbonation du transport seulement s’il est produit à partir d’énergies renouvelables, principalement grâce à l’électrolyse de l’eau.

Actuellement en France, 96% de la production est issue d’énergies fossiles. On parle « d’hydrogène gris » dont le gain environnemental est marginal. Avec l’électrolyse de l’eau issu d’énergies renouvelables ou du nucléaire français, le facteur d’émission de l’hydrogène dit bas carbone peut représenter 80% d’émissions de Gaz à effet de Serre (GES) en moins sur tout son cycle de vie par rapport à l’hydrogène gris.

Pour l’instant, l’hydrogène bas carbone reste une solution coûteuse bien que McKinsey prévoie que son prix baisse de 60% d’ici 2030 et ne coûte plus que 4 €/kg.

  • L’épineuse question du stockage de l’hydrogène

Le prix actuel élevé de l’hydrogène bas carbone est principalement dû à ses coûts de production et de stockage.

Concernant sa production, différentes solutions comme la réduction du coût de construction des électrolyseurs ou du coût de l’électricité ont été envisagées par l’IRENA dans un rapport de 2020.

Pour le stockage, son coût élevé s’explique par la nature de l’hydrogène qui a une densité énergétique 3 fois plus élevée que l’essence ou le diesel mais une très faible densité volumique.

Pour stocker l’hydrogène dans un volume raisonnable, il faut modifier la pression et/ou la température. L’hydrogène peut être stocké sous 3 formes : gazeuse, liquide ou solide. La forme gazeuse est la seule forme commercialisée pour le grand public. Elle alimente aujourd’hui des taxis, des trains, des camions, des, des vélos et des bus.

  • Les avancées prometteuses d’une nouvelle forme de stockage d’hydrogène

Une nouvelle forme de stockage d’hydrogène, nommée HydroSil, proposée par Hysilabs qui l’a reprise de l’Université Aix Marseille, pourrait cependant rebattre les cartes du marché de l’hydrogène.

Cette solution de stockage d’hydrogène pourrait être d’abord utilisée dans le cadre d’installations fixes puis, à terme, servir pour le transport. Contrairement aux 3 autres formes (gazeux, liquide et solide) il n’y aurait pas besoin d’infrastructures spéciales pour transporter et stocker l’hydrogène : les infrastructures conventionnelles déjà existantes pour les produits pétroliers suffiraient. Le transport de ce type d’hydrogène aurait des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 40 % inférieur et un coût diminué de 30 % par rapport aux solutions conventionnelles.

D’après P-E Casanova et Chloé Avetand d’HysiLabs, HydroSil est recyclable à l’infini, non toxique, non inflammable, stable, liquide, sans aucune perte en hydrogène, économiquement compétitive et pourrait utiliser les infrastructures conventionnelles actuelles. Elle a donc, sur le papier, tous les avantages pour devenir la technologie principale de stockage d’hydrogène. Cependant, d’ici 2030, Hysilabs projette une capacité de ses installations de charge et de libération en hydrogène bien inférieure aux estimations de ce que serait la consommation en hydrogène en 2030.

Selon ces estimations, Hysilabs n’absorberait que 18 à 30 % du marché de l’hydrogène en France, si l’entreprise tient ses objectifs de croissance. Les autres formes d’hydrogène (gazeuse, liquide, solide, ammoniac) auront donc toujours un rôle à jouer ces prochaines années.

Pierre-Emmanuel Guilhemsans-Vendé Consultant